De la comète au pyromane, True Detective s02e07 (récap.)

(HBO) s02e07 “Black Maps and Motel Rooms”,
saison 2 en huit épisodes à voir chez nous chez OCS
ep15-ss01-1920

Avec cet avant dernier volet de True Detective en terre californienne, les positions de chaque protagoniste prennent un tournant dramatique. C’est l’occasion de vérifier toute l’aisance des interprètes et de confirmer la convergence implacable des différentes trames du récit.

Attention, ce qui suit est un commentaire complet dudit épisode ; vous êtes prévenus !

You’re too far out of my league anyway.
Antigone et Raymond sont des comètes qui se consument rapidement. Pourtant, leurs orbites se rejoignent enfin…
Dans une chambre de motel, Ani tente d’exorciser la soirée lugubre qu’elle avait infiltrée (en fin d’épisode précédent). Elle explique à un Ray médusé que tout le monde y était. Geldorf – le procureur général – et même Holloway (le chef de la police de Vinci). Elle confesse aussi à demi-mot comment elle a éteint une montagne de muscle avec un couteau de viande. Loin de la réjouir, son exploit la terrifie car elle prend conscience, dans un éclair de lucidité, qu’elle a toujours cherché à en découdre, qu’elle s’est longuement préparé pour ce jour où elle pourrait prendre l’expression d’une revanche sur la domination masculine.
L’excitation – quelques restes d’une prise d’extasy également – la pousse dans les bras de Velcoro mais ce dernier décline comme il peut. L’attraction est pourtant inéluctable.
Le lendemain, Ani ne fuit pas ses responsabilités. Bien que Vera (la disparue extraite de la soirée par Ani) se montre rapidement assez ingrate, Ani n’hésite pas à la menacer pour s’assurer qu’elle trouve un abri chez sa soeur. Quand à son père et sa propre soeur (qui lui avait trouvé le sésame pour la soirée), elle fait aussi en sorte qu’ils disparaissent quelques jours.

APBs
Après son exploit à l’arme blanche devant témoin, Ani est logiquement recherchée. Plus insidieusement, Ray se voit affublé du même statut après qu’il ait trouvé Davis (la procureur qui les avait missionné) abattue dans sa voiture. L’engrenage se resserre et Ray comprend immédiatement qu’on l’a piégé en utilisant une des armes qu’il avait chez lui pour faire taire définitivement la procureur gênante.
Ce destin qu’ils partagent désormais rapproche encore un peu plus Ani et Ray. Leur éteinte génère alors la combustion attendue.

That’s 45 years of my life. You see me managing an Applebee’s?
Frank se sent lui aussi d’humeur inflammable. Manipulé par les mexcains (lors de l’épisode précédent), Ray lui confirme ce qu’il supposait depuis longtemps. Blake le “louche” l’a doublé dans les grandes largeurs. Si bien que lorsque son bras droit se présente devant lui comme une fleur, Frank lui offre son meilleur whisky au sens propre comme au sens figuré. Le proxénète vide son sac et Frank comprend qu’Osip va l’évincer à tous les niveaux et l’affaire sera entérinée le lendemain avec un échanges de richesses au ranch de McCandless. Au passage il apprend également que le nom qu’il avait donné à Velcoro n’était effectivement pas le violeur mais un junkie qui menaçait Blake.
Alors Frank prépare sa revanche. Il place sa femme sous protection. Il se fournit en armes et véhicules véloces. Il se rend chez un diamantaire familier des montages financiers douteux. Et puis il se procure deux billets d’avion échangeables pour le Vénézuela.
Plus tard, Osip lui rend visite au casino. Frank fait profil bas, clamant qu’il ne se formalise pas d’avoir été écarté du projet de corridor ferré. Osip a d’ailleurs un faible pour Frank et le maintient à la tête du casino et du club. Il est donc très loin de se douter que Frank va vider les coffres et mettre le feu à ses deux gagne-pains. L’affrontement est iminent…

ep15-ss06-1920

Paul : “I’m just trying to be a good man.” – Em : “Well, you don’t try right.
Le combat, c’est aussi ce qui attend Paul. Les documents qu’il a subtilisé révèlent les noms des gros poissons incriminés : McCandless, Osip et Chessani Jr. Tout comme Ani, il prend les devants et place mère et fiancée en lieu sûr. Du trio de flics, il est le seul encore libre de ses mouvements mais il commence à recevoir des photos compromettantes.
Car Paul devient gênant lui aussi et va découvrir les liens qui unissent leurs ennemis dans cette affaire. L’enquête du vol dans la bijouterie en 1992 était confié à un quatuor bien connu, rien moins que Caspere, Holloway, Burris et Dixon. Pour autant, l’assassinat de Caspere par ses propres compères ne tient pas debout (Blake confirmera). Bezzerides et Velcoro font le lien décisif entre Erica et Laura, l’un des deux orphelins de la bijouterie qui fût secrétaire de Caspere et reconnue par Vera sur une photo des fameuses soirées.
Dans ses recherches, Paul a toutefois attiré l’attention. Il est approché par Miguel (son ancien coéquipier de Black Mountain reconvertie en Ares, une agence de “sécurité”). En sous-sol, il est accueilli par un Holloway bien informé qui l’accuse d’emblée d’avoir les documents subtilisés lors de la soirée. Paul réussit à s’enfuir en neutralisant ses assaillants mais c’est sans compter sur le lieutenant Burris qui l’abat froidement dans le dos. L’épisode se termine avec Emily qui ne sait pas encore qu’elle est veuve.

I think I even… went looking.
Paul n’aura pas le bénéfice d’un tir aux balles en caoutchouc. Cette issue dramatique se révèle sous nos yeux avec une certaine logique d’engrenage même si rien ne la laissait présager.
Ce “Black Maps and Motel Rooms” trouve aussi son intensité par le talent de ses acteurs. Colin Farrell avait déjà fait ses preuves. Rachel McAdams et Vince Vaughn se mettent ici au diapason. Le regard de McAdams est saisissant qu’il soit empli de terreur lorsqu’Ani se confie après la soirée ou bien qu’il soit menaçant lorsqu’il s’agit d’intimider Vera.
La performance de Vaughn éclate également avec force. Son personnage, un animal à sang froid, n’est pas simple à déchiffrer et constitue un pari risqué (le scénariste évite habituellement comme la peste les comportements sans reliefs). Alors que la fin approche et que Frank est poussé dans ses derniers retranchements, on assimile mieux le travail de l’acteur face à une personnalité tout en contrôle.

I need a few minutes alone, process the ins and outs of all this.
Du reste, ce personnage de Frank Semyon surprend dans cet épisode ! Sa culpabilité dans la manipulation de Velcoro s’imposait. Nous savons désormais avec certitude qu’il n’en était rien (Blake avait orchestré tout cela). Nous revient alors la rengaine de Frank affirmant avec insistance son “sens de la justice”. Cette profession de foi acquiert maintenant toute sa valeur et éclaire définitivement le parcours d’un homme habité par de vraies bonnes intentions tout en étant sur le mauvais chemin. Ce parcours dénote prodigieusement à une époque dominée par le fameux concept de l’antihéros. Plutôt qu’un personnage répréhensible qu’on nous propose d’aimer, voici un gangster qui survit dans un environnement qui n’est pas le sien, comme un poisson hors de l’eau. Sa perspicacité lui aura permis de s’élever dans la hiérarchie mais son honneur est un seuil infranchissable qui l’empêche de s’épanouir pleinement dans ce milieu.
En ayant bien compris que son futur professionnel ne lui offre désormais qu’une voie sans issue, Semyon semble embrasser une sortie pyromane et flamboyante. Ce sera l’un des enjeux du dernier épisode. Il conditionnera essentiellement la perception d’un personnage encore largement incompris.

ep15-ss07-1920

I need a few minutes alone, process the ins and outs of all this.
L’imminence de cette sortie de scène, justement, précipite les événements. Hormis peut être le rôle (périphérique ?) des mexicains de la Santa Muerte, la convergence de toutes les trames du récit est tout simplement fascinante ! A titre d’exemples, l’intégration des dramas familiaux (le père et la soeur d’Ani, la femme et le fils de Ray, la mère et la fiancée de Paul) dans le récit central témoignent d’une belle construction. Les univers si éloignés du quatuor de personnages principaux sont désormais interconectés et ses sous-ensembles qui apparaissaient bien distinct au début trouvent désormais une vocation entièrement justifiée.

Un dernier épisode nous attend. Il sera allongé à 90 minutes. ça promet !

Navigation :
s02e01 : The Western Book of the Dead
s02e02 : Night Finds You
s02e03 : Maybe Tomorrow
s02e04 : Down will Come
s02e05 : Other Lives
s02e06 : Church in Ruins

Quelques théories :

  • On en a peu parlé, mais Jordan – la femme de Frank – ferait une bonne complice ! Bustle développe cette idée (en provenance de Reddit bien sûr) et souligne une certaine chaleur qu’elle avait exprimé à l’endroit d’Osip.
  • Qui est donc cette Erica ? Ani et Ray croient l’avoir identifiée comme Laura, l’un des orphelin de l’attaque de la bijouterie en 1992. Vanity Fair (qui cite Uproxx) souligne que son frère pourrait être le photographe aperçu sur le tournage du film, lequel serait alors un bon suspect pour l’identité du fameux “Birdman”.
  • Plus fumeuse et non contradictoire avec celle ci-dessus, une théorie de Reddit pointe Elliot Bezzerides (le père d’Ani). Conscient qu’il est à l’origine de la rencontre des principaux conspirateurs (les Chessanis, Pitlor, Caspere) dans le cadre de son cercle pseudo-hippie par le passé, pourquoi ne pas imaginer qu’il cherche depuis à contrecarrer leurs méfaits en commanditant, voire en influençant (il n’est pas gourou pour rien) une ou plusieurs personnes comme les orphelins de la bijouterie dont on parlait à l’instant par exemple.

Quelques observations :

  • C’est Daniel Attias qui signe la mise en scène de cet épisode. Le réalisateur américain est un très grand habitué du petit écran, comme en témoigne sa page IMDb.
  • Les tunnels dans lesquels ont lieu la rencontre entre Paul, Holloway, Miguel et quelques sbires sont bien réels. Curbed LA retrace l’historique de ces passages situés sous le Civic Center.
  • J’en parlais en fin de mon récap’ précédent, les audiences de la série sont bien supérieures aux attentes de la chaîne. Toutefois, la critique US – très remontée contre cette deuxième saison faut-il le rappeler – ne s’en contente pas et va jusqu’à analyser des ressenti subjectifs. Ces graphiques en provenance de Variety devraient vous en convaincre… ou pas !
  • Dans un questions/réponses publié sur le site officiel de la chaîne, Nic Pizzolatto – qui s’est peu exprimé jusqu’ici – répond à quelques interrogations et précise notamment que son processus d’écriture fût bien différent pour cette saison 2.
  • J’avais déjà proposé ici un article de Vulture sur la question des plans aériens réccurents. Voici une autre réflexion un peu plus poussée sur l’imagerie de la série.

Visuels : True Detective / HBO / Anonymous Content / Lee Caplin / Picture Entr. / Passenger