(Channel 4) minisérie en 4 parties diffusées début août
Comme promis, je reviens un peu plus en détails sur Southcliffe. Cette minisérie en quatre parties est une fiction coup de poing, formellement très ambitieuse et proposée par une chaîne (Channel 4) qui nous avait déjà fortement impressionné avec Utopia cette année (ça calme…).
A l’instar de Broadchurch (tournée dans le Dorset – sud-ouest anglais), on découvre Southcliffe (tournée dans le nord du Kent au sud-est du pays), petite ville côtière également (les deux sont fictives), qui va connaître un destin tragique.
Dans ce village où tout le monde se connait, Stephen Morton fait figure d’excentrique. Alors qu’il prend quotidiennement soin de sa mère très âgée, sa passion pour le mode de vie militaire le marginalise. Surnommé le « commandant », il rend service en effectuant des petits travaux mais les habitants de Southcliffe ne le lui rende guère. Alors qu’il sympathise avec un jeune soldat de retour d’Afghanistan, une suite d’événements va conduire à un dénouement dramatique…
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La première chose qui frappe en découvrant la série est sa mise en scène calme et précise ! Pas d’action inutile ni de subterfuges. Les séquences très installées dans la nature environnante seraient presque apaisantes si ce n’était le sujet.
Dans un second temps, on ressent une perte de repères devant un montage pour le moins erratique. Les passages se succèdent et on bascule souvent dans la temporalité, d’un personnage à l’autre, pour assembler progressivement des parcours, des relations et expliquer, dans la mesure du possible, le comportement des proches de victime.
Malgré la gravité du sujet, il y a pourtant une réelle beauté de plans qui marque l’esprit, constituant une performance d’ensemble rare.
Cette approche n’est pas sans rappeler Top of the Lake. La volonté de s’inscrire dans un décor naturel et de dépeindre avec authenticité le quotidien d’une communauté.
Tout comme Jane Campion, Sean Durkin est un cinéaste de la scène indépendante. Il n’a pour l’instant qu’un seul long métrage à défendre (Martha Marcy May Marlene) mais il a déjà été distingué à Cannes et Sundance.
On évoque souvent, actuellement, l’arrivée de cinéastes majeurs pour diriger diverses œuvres sérielles (Notamment des Scorsese ou plus récemment des Fincher) mais je crois qu’il est finalement encore plus significatif de voir l’implication des metteurs en scène habituellement cantonnés au cinéma d’art et essai (je ressors mon exemple ultime du travail de Gus Van Sant sur Boss).
Durkin est un jeune cinéaste très remarqué et son choix de poursuivre sur le petit écran n’est pas anodin. D’ailleurs, tout comme Campion (Sundance), sa minisérie vient d’être projetée lors d’un festival (Toronto) sous la forme d’un marathon, la télévision devenant ainsi source des salles obscures.
Sean Durkin ne cache pas qu’il a sauté sur le projet lorsqu’il a compris qu’il s’agissait d’un scénario de Tony Grisoni. Ce dernier est expérimenté et a notamment écrit pour Terry Gilliam. En 2009, il signait une minisérie en 3 parties du nom de Red Riding, adaptant ainsi les romans de David Peace. Je ne l’ai pas vue mais vous devinez que j’en meure d’envie désormais.
Avec Southcliffe, Grisoni souhaitait non pas évoquer le massacre en tant que tel mais s’intéresser plutôt à la manière dont les survivants gèrent leurs deuils. On imagine qu’il n’a pas été facile de vendre l’idée aux responsables de chaîne mais, son approche est si naturelle qu’elle en évite toute lourdeur et autre pathos injustifiés.
Maintenant, il est évident que Southcliffe ne plaira pas à tout le monde. Sa construction et son sujet en font une oeuvre peu accessible et puis Grisoni avoue avoir une préférence pour le drama qui apporte plus de questions que de réponses. J’avoue le rejoindre sur ce point mais c’est un parti pris qui divise souvent le public.
Pour le démontrer, il suffit de lire l’incompréhension que la série avait générée lors de sa diffusion, dans cet article qui tente de lancer un pseudo-débat sur la violence à la télé.
Au delà de tout cela, il n’en reste pas moins un casting exceptionnel qui mérite à lui seul le coup d’oeil ! Sean Harris, dans le rôle du tueur est fantastique avec une performance d’indéchiffrable assez magistrale. Rory Kinnear, Shirley Henderson et Eddie Marsan sont tous très bons. Et les deux anciens de Skins, Kaya Scodelario et Joe Dempsie complètent admirablement la distribution.
Voilà encore un petit bijou anglais que je recommande vivement !
Visuels & vidéo : Southcliffe / Warp Films / Channel 4
C’est vrai que cette mini-série est loin d’avoir fait l’unanimité, soit on y adhère, soit on la rejette complètement. Contente de lire que tu as toi-aussi adhéré aux différents partis pris ! La construction temporelle très particulière rend le visionnage peut-être plus exigeant, mais cela donne aussi une dimension vraiment très aboutie au récit. Je retiens aussi le côté très brut avec lequel le sujet est traité : certaines scènes ont une sacrée décharge émotionnelle, c’est impressionnant (et le casting est magistral, chacun a en plus un épisode pour briller tout particulièrement ; et ça me fait aussi plaisir pour Rory Kinnear qui est vraiment un acteur que j’apprécie).
C’est intéressant de voir que par son thème, Southcliffe est à rapprocher de Klass Elu Parast (diffusée en France sous le titre La Classe). C’est un sujet tellement sensible comme tu le soulignes, qui peut donner à tellement d’excès de pathos ou autre. Les deux s’en sortent de manière vraiment très intéressante. C’est vraiment chouette voir une telle ambition, et surtout un résultat à la hauteur !
Merci pour cet article. 😉
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Oui, je n’ai vu que les deux premiers mais le résultat est vraiment très fort ! Grisoni et Durkin nous offrent là un travail fantastique !
Je note pour La Classe et, as-tu vu Red Riding au passage ?!
Sinon, j’ai vu que tu avais posté sur Southcliffe également mais je lirai cela attentivement après avoir vu le dernier épisode ;o)
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