à propos de The Gilded Age (HBO) à voir sur OCS chaque mardi.

The Gilded Age, l’âge doré ou l’âge d’or si vous préférez. Voilà une expression qui déclenche un petit rictus chez la·le sériephile. Elle fait ici référence à une période qui suit la guerre civile aux Etats-Unis. Une ère de reconstruction, d’une certaine prospérité, d’enrichissement surtout notamment pour une poignée de familles qui s’emparèrent de monopoles (matières premières, transports, etc), mais aussi de corruption.1
New York City en 1882, c’est donc le contexte choisi par Julian Fellowes, créateur (faut-il le rappeler) de Downton Abbey, laquelle s’étalait de 1912 à 1925 dans le Yorkshire. La traversée de l’atlantique trouve son origine logique par un changement de commanditaire. The Gilded Age était d’abord envisagée du côté de NBC en… 2012, soit quelque part en plein milieu de la production des 6 saisons de Downton (produite pour l’anglaise ITV). On imagine bien que Fellowes était occupé. L’ampleur du projet a également dû en refroidir plus d’un. Les épisodes que nous découvrons ces jours-ci sont diffusés par les « nouveaux riches » d’HBO.
“Any time you do a period piece, to get the period right, it’s going to cost you.”
Casey Bloys, directeur des programmes chez HBO (Source : NYT)
La transposition à New York n’est toutefois pas totalement opportuniste. Julian Fellowes s’était longuement intéressé à la haute société américaine de la fin du dix-neuvième pour confectionner Downton.2 Et puis quelques minutes de visionnage suffisent pour s’apercevoir que le changement géographique n’est pas si important pour l’auteur. On retrouve immédiatement les mêmes repères en passant à The Gilded Age, à commencer par la séparation entre les sous-sols (downstairs) et les étages (upstairs).
Echelle. Mais cette dualité est ici doublée puisque nous avons deux familles qui se font face, littéralement de chaque côté de la rue, en chien de faïence : les Van Rhijn et les Russell. L’observation par fenêtre interposée fonctionne déjà mais l’environnement de ce quartier n’a pas immédiatement le même attrait que ne pouvait l’avoir la magnifique demeure de Downton.3
Vous me direz qu’il n’est pas aisé d’envoyer du décor circa 1900 aussi simplement. Sauf que celle ou celui qui se plaît à dévorer les séries d’époque est exigeant ! Et pour ce qui est de ce New York, The Knick (Cinemax)4 en imposait un peu plus, sans parler de la mise en scène d’un certain Steven Soderbergh.
Mais replaçons nous à l’échelle humaine. La sève du style Fellowes, c’est avant tout les dialogues. On reconnaît ce mélange d’attitudes qui se confrontent dans des scènes chorales agrémentées d’un humour toujours piquant. Tout cela prendra bien plus de saveur sur la durée et la présence de Christine Baranski (The Good Wife, The good Fight) et Carrie Coon (The Leftovers) entre autres incite au plus grand optimisme. Néanmoins, là encore, The Gilded Age ne fait pas de l’ombre à la maestria des échanges fabuleux entre les protagonistes d’une Mrs Maisel (Prime Video) par exemple.
« Excès d’énergie ». Au fond, on pressent avec ce premier volet que la préoccupation première de Fellowes est moins dans la démonstration historique que dans l’établissement des motivations de chacun. C’est justement avec une certaine surprise qu’on entend parler de « révolution » (Agnes). Il y a là, de toute évidence, une affirmation programmatique annonçant que l’électron libre (Marian) va chambouler la vie de ses tantes et , par ricochet, une bonne partie de ce microcosme passéiste.
“Revolutions are launched by clever people with strong views and excess energy.”
Agnes van Rhijn (Christine Baranski)
Ma curiosité est déclenchée. La performance de Louisa Jacobson (Marian)5 est convaincante dans ce double rôle qui consiste à entraîner le regard neuf du public dans cette société corsetée, tout en faisant office de détonateur. Il faudra toutefois déployer sur la durée des enjeux plus saignants qu’une simple opposition entre anciens et nouveaux riches pour que The Gilded Age réussisse son entrée dans le Gotha sériel.
Notes :
1 : The Gilded Age est le titre d’un ouvrage paru dès 1873, m’apprend Britannica, par Mark Twain (en collaboration avec Charles Dudley Warner). L’auteur de Tom Sawyer dresse un portrait sans concession de ces industriels avides ainsi que d’une classe politicienne corrompue.
2 : Si vous avez vu Downton, La relation américaine vous revient immédiatement en tête avec le personnage de Cora (Elisabeth McGovern). Il a notamment été question d’un prequel si l’on en croit le Telegraph.
3 : Le Chateau de Highclere.
4 : L’indispensable The Knick est visible sur OCS.
5 : Saviez-vous que l’actrice est une Gummer ? Vulture vous dit tout !