Extension du domaine de la musique, retour sur la bande son sérielle en 2017

Il y a une certaine logique à affirmer que l’essor de l’offre sérielle s’accompagne par un bond aussi quantitatif que qualitatif dans l’exercice de sa bande son originale. Au delà de ce constat, 2017 restera comme l’année de la diversification des horizons musicaux et l’émergence d’une tendance de fond : l’ouverture au Sound Design.

C’est un rituel auquel je ne pouvais pas déroger ! Chaque Noël, je tente ici de partager quelques titres de musique employés dans les séries qui ont marqué l’année écoulée. Après tout, quoi de mieux que de se replonger dans l’univers sonore qui nous passionne à une époque où vous avez peut être été comblé d’un nouveau gadget à même d’émettre de la musique !

Voici donc ma sélection 2017, uniquement restreinte au champ de la composition originale cette année (vous verrez que l’échantillon est déjà très complet). A noter que chaque titre affiche une date de sortie correspondant à l’année en cours sans pour autant que les séries en question soient forcément toutes de 2017 (vous me pardonnerez ce petit écart).

A l’écoute, vous ne pouvez que constatez avec moi toute l’étendue de la diversité des genre musicaux. L’accompagnement produit par un orchestre classique reste dominant, mais l’électronique s’impose rapidement. Surtout, il n’est désormais plus rare de trouver des Scores dominé par le Blues (Outsiders par le Ben Miller Band par exemple) ou des cordes plus latines (telles que le travail de Pedro Bromfman pour Narcos).

L’ère digitale

La bande son sérielle a toujours existé ! Les compositeurs qui officient pour le format sont toutefois longtemps restés dans l’ombre de leur confrères du septième art (bien qu’ils fassent rigoureusement le même travail, et parfois dans des proportions bien plus intenses que pour un simple long métrage). Il y a bien sûr des exceptions ; citons Angelo Badalamenti (qui revenait d’ailleurs cette année pour le retour de Twin Peaks). Mais ils sont bien peu.

Le format a donc très logiquement préféré célébrer ses sorciers sélecteurs de musique, les Music Supervisors (citons d’emblée Alexandra Patsavas avec The O.C.). Cet apport présente, il est vrai, l’avantage d’être plus rapide à implémenter que de faire appel à une source de musique qu’il faut créer de toute pièce.

Mais aujourd’hui, si la supervision musicale garde ses lettres de noblesse, les arrangements originaux font partie intégrante du caractère créatif d’un oeuvre sérielle. Il est même inconcevable, dès lors qu’il s’agit d’un projet d’importance, de procéder sans faire appel à un compositeur (certain le font encore comme Big Little Lies cette année mais ils font figure d’exception).

A partir de là, le grand bouleversement du secteur concerne les facilités de distribution. Editer une bande son de série est devenu commun et les services de streaming permettent de les propager plus facilement vers leur public (qui reste encore majoritairement restreint, avouons-le, dès lors qu’on s’éloigne des cadors comme le Game of Thrones de Ramin Djawadi). Pour autant, chaque effort de composition ne se traduit pas une sortie en bonne et due forme ; on attend toujours les superbes balades de Stephen Malkmus pour Flaked (Netflix) par exemple et à bon entendeur !

Certains artistes profitent toutefois de ces nouveaux supports pour se faire connaître. C’est notamment le cas du prolifique Jeff Russo, soutenu par Lakeshore Records, et récompensé d’un Emmy bien mérité cette année pour son travail sur Fargo.

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Dean Hurley © Will Renton

Vers le Sound Design

Ce que vous remarquerez peut être grâce à la playlist ci-dessus, c’est l’essor d’une bande son qui explore d’autres horizons et devient également un champ d’expérimentations sonores. Toute se passe comme si elle cherchait à intégrer cet autre secteur du département son d’une production audiovisuelle et qu’on appelle prosaïquement le bruitage ! On ne peut pas dire qu’il existe une frontière à proprement parler entre la bande son et les effets sonores. Rappelons qu’historiquement, les compositions cherchaient justement à se rapprocher du son d’ambiance (en l’absence de moyens techniques pour simuler/reproduire le son), notamment lors des débuts du cinéma.

Dans le cas spécifique du format sériel, cette évolution de la bande son vers un travail d’ambiance plus que vers une démarche musicale est relativement récente et profondément significative !

« David Fincher wanted a backing track that didn’t sound like music”

(Jason Hill, compositeur de Mindhunter)

Véritable prolongement d’une recherche formelle novatrice, le design sonore participe pleinement à l’expression du caractère créatif d’une oeuvre. Pour Mindhunter, David Fincher a refait appel à Jason Hill — avec qui il avait travaillé sur Gone Girl — et ce dernier explique avoir capté les sons de résonance émis par des verres de vins plus ou moins remplis pour assembler les sonorités qu’il souhaitait.

L’une des principales évolutions du retour de Twin Peaks concernait également cet aspect. Alors que les saisons originales reposaient massivement sur le travail de Badalamenti, The Return impose un retour flagrant du silence savamment perturbé par des saillies sonores très riches, de la simple virgule aux larges séquences en passant par ses strates denses désormais si caractéristiques et évoquant les tressaillements d’un champ électrique. Ces arrangements sont à mettre au crédit de Dean Hurley (son Anthology Resource: Vol. 1 qui compile une partie de ses morceaux pour The Return, fait partie de la sélection ci-dessus). Bien qu’il prétende que ces accompagnements soient de l’ordre du subliminal, il suffit de les réécouter in-situ pour mesurer combien ils sont vecteurs de l’ambiance en cette saison 3.

Du reste ces nouveaux épisodes de Twin Peaks constituent un accomplissement tout aussi important dans sa texture sonore que d’un point de vue strictement visuel. Si ce n’est pas déjà fait, vous auriez tout intérêt à re/découvrir la série muni.e d’un casque ; l’immersion en est décuplée !

Les travaux de Hill et Hurley s’éloignent sensiblement d’une démarche purement musicale mais leur écoute hors contexte demeure, à mon sens, saisissante. La recherche d’une aspérité ou d’une modulation précise en constitue le nerf de la guerre !

2018 sera-t-il dans la continuité de ce cru exceptionnel ? Tout laisse à penser que l’expansion du format va encore se poursuivre. Les mastodontes Disney et Apple se profilent à l’horizon…

En attendant, bonne écoute à toutes et à tous.

Visuel d’ouverture : Logan Browning (Samantha White) / Dear White People © Adam Rose / Netflix

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