(FX) s02e08 “Loplop”
Saison 1 et 2 (en cours) à voir chez nous sur Netflix –
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A l’occasion de l’épisode précédent, je vous faisais part du plaisir induit par cette saison 2 de Fargo alors qu’elle pousse le sériephile à lire ou relire de nombreuses références littéraires. Cette semaine, il est question d’un tout autre art à travers le travail de Max Ernst.
Je ne vous cache pas que je tâtonne un peu dans cet exercice du récapitulatif. Mais Fargo offre un sujet si vaste et élaboré qu’elle fait naître une inspiration sans cesse renouvelée. A ce titre, je ne suis pas peu fier, en illustrant ce billet, de m’attarder sur les tableaux d’un peintre…
Attention, vous ne souhaitez sûrement pas que je vous révèle si Ed va finalement acheter cette boîte d’Hamburger Helper à la station service ! Jeez, revenez ici quand vous aurez vu ledit épisode…
Have you actualized fully? Alors qu’ils étaient complètement absents du précédent volet, Peggy, Ed et même Dodd sont de retour. Pour être plus précis, c’est tout l’épisode qui effectue un retour en arrière pour nous proposer des événements qui se sont déroulés parallèlement à ceux que nous avions découvert la semaine dernière.
Peggy est bouleversée. Elle a pourtant réussi à neutraliser Dodd ainsi qu’un autre sbire du clan Gerhardt. On se doutait qu’elle avait une petite voix dans sa tête. Cela se confirme mais la voix en question est bien plus marquante puisqu’il s’agit d’un ton grave et impérieux, celui d’un homme au charisme inévitable (personnifié par l’acteur canadien Mackenzie Gray). On comprend mieux alors pourquoi Peggy semble vaciller devant ses démons intérieurs.
Road trip! Elle sort toutefois de cette « introspection » littéralement transformée et gonflée à bloc. Ed la retrouve dans cet état extatique et le couple s’enfuit vers une cabine isolée avec Dodd dans le coffre. Les Blumquist s’improvisent donc preneurs d’otage. l’ainée des Gerhardt est ficelé à un poteau, Ed s’en va téléphoner à la famille du séquestré et Peggy n’hésite pas réprimander Dodd avec un couteau pour ses manières…
Lorsqu’Ed revient bredouille et constate l’état de leur otage, il est plus que difficile de contenir son hilarité lorsqu’il chuchote à sa femme un : “Hon, did you stab the hostage?”.
I think Satan is a woman. Mais nos preneurs d’otage improvisés déchantent rapidement. Ed ne parvient pas entrer en contact avec le moindre Gerhardt et se rabat, presque en désespoir de cause, sur Mike Milligan. Il n’est pas certain qu’il y gagne au change.
Quant à Peggy, elle donne bien trop de détails à sa patronne, Constance, lui révélant ainsi où elle se cache, avant de délaisser la surveillance de Dodd, lequel n’en demandait sûrement pas tant pour se défaire de ses liens.
Wounded Knee. Mais avant d’évoquer les derniers instants de Dodd, intéressons nous à l’autre grand protagoniste de cet épisode. Hanzee Dent n’avait pas été souvent dans la lumière jusqu’ici. Tout juste savions nous qu’il avait été combattre au Vietnam où il était utilisé comme chair à canon dans les tunnels vietcongs.
De son passé militaire, il est encore question à la lumière d’un accueil plus que nauséabond dans une Sioux Falls visiblement peu amène avec la communauté d’origine indienne. Dent porte la veste militaire mais il est dédaigné avec une violence rare, tout comme une plaque commémorative non loin, s’avère lamentablement souillée.
Ce passage est crucial. Non seulement parce qu’il dénonce avec justesse une injustice sociale qui n’est pas sans résonance avec des postures politiques tout aussi détestables sous nos latitudes. Mais aussi et surtout parce qu’il permet à Fargo de s’octroyer un regard sans concession sur une réalité qui n’est malheureusement pas encore oubliée. C’est aussi un fort bel argument pour contredire la naïveté supposée d’une série que d’aucun trouve figée sur les profondeurs du midwest.
Haircut. Dent retrouve donc la piste des Blumquist et de Dodd, lequel l’accueille par le délicat adjectif d’ “Half-breed”. Malgré l’offense, on ne se doute alors pas le moins du monde qu’Hanzee va refoidir Dodd. C’est pourtant ce qu’il fait avant de demander une coupe de cheveux « professionnelle » à Peggy… On est encore estomaqué par ce retournement de situation que déjà la tension regrimpe au maximum alors que Peggy glisse une paire de ciseau dans la nuque de Dent… mais l’épisode se termine déjà alors que Lou et Hank font fuir l’ex-homme de main des Gerhardt.
Surréalisme. Le titre de cet épisode s’éloigne de la doctrine de l’absurde défendue soigneusement jusqu’ici par chacun des titres d’épisodes précédents. “Loplop” était une représentation d’oiseau récurrente ainsi dénommée par l’artiste Max Ernst. Sculpteur et peintre très complet (il serait l’un des inventeurs de la technique du frottage), il aura commencé son travail sous la mouvance du dadaïsme avant de se fixer essentiellement dans le surréalisme. Ernst est lui-même un vétéran de la première guerre mondiale. Il a été confronté à l’absurdité de la guerre et son travail consiste à exprimer pleinement ses rêves.
Pour cela, la figure de l’oiseau lui sert de point de repère. Cet alter ego amène le spectateur vers un monde surréel et y offre un point de vue pour en établir ses vérités.
Vous remarquerez sur la gravure de droite, la proximité avec cet épisode qui nous gratifie également d’une lame de couteau dans le pied. Sur la peinture de gauche, “loplop” semble se métamorphoser en une créature dont certaines parties du corps sont découpées, comme le ferait un boucher. Enfin la démarche d’interprétation du rêve chère à Ernst évoque aussi le comportement de Peggy qui se laisse guider par des impulsions en provenance de son surmoi !
Inutile de vous rappeler qu’il ne nous reste que deux épisodes à découvrir, Vivement la suite !
Observations diverses :
- Je dois commencer par un mea culpa. Dans mon récap’ précédent, j’avais cru voir Ed à Sioux Falls alors qu’il sortait de la cabine téléphonique de la station. Ce n’était pas tout à fait exact car il se rendent à hauteur de Vermillion, qui se trouve effectivement dans le Dakota du Sud mais il faut tout de même faire une heure de voiture supplémentaire au sud de Sioux Falls pour l’atteindre.
- La référence flagrante à la filmographie des frère Coen pointe cette fois-ci justement vers Fargo, le film. La réplique “Goin’ crazy at the lake” en est tiré.
- Plus subtil, la station service en elle-même évoque une autre scène semblable dans No Country for Old Men.
- Le patron de bar peu reluisant qui accueille Hanzee mentionne Wounded Knee. C’est un lieu qui se trouve justement au Dakota du Sud autour duquel la septième cavalerie US orchestra un massacre d’indiens en 1890. En 1973 (soit quelques années seulement après les événements de cette saison), un mouvement indien organisa une série de manifestations sur place pour protester contre le sort qu’il leur était réservé par l’état fédéral.
Et un peu de lecture :
- Hormis Dent, ce huitième volet s’intéresse exclusivement à Peggy & Ed. Kirsten Dunst et Jesse Plemons évoque justement l’intensité du tournage de cet épisode pour Variety.
- Nous avons appris la semaine dernière que Fargo reviendrait pour une saison 3. Noah Hawley en parle très brièvement pour EW.
Visuels : Fargo / FXP / MGM
Musique : Musi-O-Tunya “ »Bashi Mwana » (1975)