“Que diable ai-je fait ?”, The Jinx

The Jinx, The Life and Deaths of Robert Durst.
(HBO) un documentaire en six parties à voir sur Planète+ CI dès le 22 Oct.
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J’écoutais ce matin Il faut qu’on parle, l’excellent nouveau podcast animé par Yaële Simkovitch et Dominique Montay. Il y est question du débat lancé récemment par John Landgraf, lequel annonce en substance l’imminence d’un pic de la production (le terme plateau est déjà déposé par la writers room de Masters of Sex) et une baisse à suivre sur fond de trop de série tue la série.
L’augmentation du nombre de titres est indéniable mais élargissons encore un peu plus notre réflexion. Que se passe-t-il si la segmentation sérielle qui nous est chère s’insinue sur d’autres formats ? Le documentaire, justement, est un exercice propice à cette influence. Est-ce pour autant bénéfique ou source de dénaturation ? Je vous propose d’aborder la question avec le cas The Jinx, une enquête exhaustive dont l’engrenage final spectaculaire masque un positionnement déontologique instable.

Robert Durst est l’aîné d’une famille contrôlant un vaste empire immobilier basé à New York. Pourtant, il n’est pas à la tête de la firme familiale et The Jinx va tenter d’expliquer un personnage aux multiples zones d’ombre.
L’histoire débute à Galveston, Texas. Un corps démembré est retrouvé en bord de mer. L’enquête mène rapidement à un pavillon et à un certain Robert Durst

On doit The Jinx a un duo : Andrew Jarecki et Marc Smerling. Ceci n’est pas leur coup d’essai puisqu’ils avaient déjà été remarqué pour Capturing the Friedmans, diffusé également sur HBO en 2003. Mais Ils sont également à l’origine de Catfish, un autre documentaire réalisé en 2010 qui constituera le matériau de base d’une émission de télé-réalité homonyme diffusée sur MTV.
Entre temps, le duo s’est lancé dans le cinéma. Smerling a co-écrit le scénario et Jarecki s’est chargé de la réalisation de All Good Things avec Ryan Gosling et Kirsten Dunst dans les rôles principaux. Ce film était déjà inspiré de Robert Durst et notamment à travers la mystérieuse disparition de sa femme.

Sa version de l’histoire. Smerling et Jarecki avaient conduit de nombreuses recherches dans le but de construire ce long métrage. Le projet The Jinx va pourtant prendre forme sous l’impulsion de Durst lui-même. Après la sortie du film, ce dernier contacte le duo et leur propose – contre l’avis de ses avocats – de l’interviewer afin qu’il puisse exprimer son point de vue. Aujourd’hui âgé de 72 ans, Durst n’avait jamais donné son accord au moindre entretien. Il va pourtant s’ouvrir complètement et donner un accès complet à son histoire. Jarecki et Smerling vont enquêter durant cinq ans, amassant de nombreux éléments qui les conduiront rapidement à abandonner le format initial d’un film de 2h pour lui préférer une série documentaire en six parties.

True Crime. Le résultat est un récit effectivement très complet. Le personnage Robert Durst est étudié sous ses moindres détails. Tous les lieux et preuves sont disséqués à la loupe. De nombreuses séquences de reconstitution aident à la compréhension des événements. Les différents intervenants livrent leurs opinions, parfois contradictoires, pour assembler un ensemble relativement circonstancié.
Les impondérables du genre et autres arrangements apparaissent toutefois sans ménagements. Le dossier Durst n’est avant tout qu’une succession de faits divers. La forme résolument moderne (notamment son générique très soigné) cache faiblement le caractère sordide de ce personnage certes mystérieux.

Construction biaisée. Jusqu’à quel point peut-on établir une narration sur un récit documentaire ? C’est la principale question qui ressort après avoir vu The Jinx. Le titre (le porte-malheur ?), justement, est une assertion d’emblée problématique. Robert Durst est introduit sous le prisme d’un jugement. Il apparaît essentiellement comme une victime avant d’être progressivement diabolisé.
Ce procédé – inhérent à l’inclusion de Jarecki à l’image – qui vise à mettre en scène l’évolution du regard de ses auteurs échoue à convaincre. Comment croire à l’illusion d’une certaine naïveté dans le cadre très strict d’une enquête rigoureuse ?
Au fond, le format et cette structure épisodique conduit les auteurs à surécrire leur documentaire, à créer des inflexions de points de vue aberrantes.

On en serait d’ailleurs sûrement resté là s’il n’y avait eu ce final invraisemblable, lequel justifie à lui seul de découvrir cette série documentaire.

A noter que le premier épisode est visible gratuitement du côté de Canalsat.


Exceptionnellement, j’écris ici quelques ligne que vous ne lirez uniquement après avoir pris connaissance du dénouement.
– ATTENTION RÉVÉLATIONS –

La seconde interview donnée par Durst a été enregistrée en 2014. Le final de la série a été diffusé sur HBO le 15 mars cette année. Le contenu de cet entretien dans lequel il dit notamment :”Que diable ai-je fait ? je les aient tous tué bien sûr” avait été remis, en compagnie de nombreux autres éléments, aux forces de l’ordre plusieurs mois avant. Celles-ci auront attendu la veille (le 14) de la diffusion de cette “confession” pour arrêter Durst dans un hôtel de la Nouvelle Orléans.
Aujourd’hui, Durst serait impatient de défendre ses droits si l’on en croit son avocat – celui qui était déjà parvenu à le faire acquitter au Texas – qui devra pour l’instant défendre son client contre la seule accusation de possession d’arme à feu ! Rien ne dit notamment qu’il puisse être transféré à Los Angeles pour répondre à l’accusation de meurtre dans le volet Susan Berman.
De Leurs côtés, Jarecki et Smerling pointent plutôt du doigt Douglas Durst pour ne pas avoir aidé les autorités après la disparition de la femme de Robert. Ils ne se sont d’ailleurs pas détaché de l’affaire et continuent de recueillir des témoignages si l’on en croit cet entretien au New York Times.
En attendant une éventuelle saison 2, les événements et en particulier le manque de vélocité de la justice américaine depuis la révélation, montre bien que The Jinx n’a pas vraiment déplacé de montages. Si procès il y avait, la question de la recevabilité du témoignage des toilettes sera forcément remise en question. Le regard biaisé porté sur Durst desservira forcément l’accusation.

Visuels & vidéo : The Jinx / HBO Documentary Films / Blumhouse Productions

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