La première gorgée de thé

A propos de The Crown (Netflix) dont la troisième saison est disponible depuis le 17 novembre.

En cette période de fin de d’année, vous avez sans doute vu fleurir des sélections et autre top 10 regroupant des florilèges de séries. Cette année a ceci de particulier qu’elle marque également la fin des années 2010, doublant de facto l’avalanche de recommandations…
Loin de moi l’idée de dénigrer les confrères, j’y trouve moi-même de judicieux conseils (à commencer par Fleabag que je n’ai inexplicablement pas encore vue). En ce qui me concerne, j’ai toujours eu un mal fou à déterminer mes préférences, et ce pour plusieurs raisons. Comment mesurer objectivement une série vue récemment avec un autre titre qui date du début de l’année et dont j’ai forcément un souvenir partiel (j’ai une mémoire courte) ? J’aurais sûrement et injustement oublié Fosse/Verdon (FX/Canal+) par exemple. Peut-on comparer une série alors qu’elle est en cours de diffusion avec un titre qui a livré une conclusion (ne serait-ce que pour une saison) ? Citons For All Mankind (Apple) dont la saison vient de s’achever et Stumptown (NBC) qui est en cours. Et puis, surtout, vu l’avalanche actuelle, le débit toujours plus conséquent de titres à découvrir, on est jamais vraiment à l’abri d’une surprise de dernière minute. Souvenez-vous de l’arrivée de The OA en toute fin de 2016 que Netflix avait sorti de sa manche !

Et puisqu’il est question de Netflix, parlons-en ! je ne vais pas évoquer ici la subtilité des gémissements d’Henry Cavill dans The Witcher… mais bien les tourments d’Olivia Colman, tasse de thé à la main.
On vous en a sans doute déjà parlé. La série vous a peut être même déjà été recommandée par ce proche dont vous savez pourtant pertinemment qu’il n’entretient pas le moindre intérêt pour le destin de la famille royale. Et si vous sirotez déjà la série, je ne vous apprendrais pas grand chose ici. Seulement voilà, The Crown est un délice, une madeleine finement préparée, moyennant grosses finances bien sûr, mais c’est ici pour la juste cause de l’art, du souffle d’un récit historique toujours pertinent.

Through her eyes, you can see the entire second half of the 20th century.

Peter Morgan (créateur) – Source

L’histoire, voilà le nerf de la guerre ! The Crown s’appuie fondamentalement sur des séquences historiques et s’en sert admirablement pour décliner la psyché de ses personnages. Il est moins question d’une chronique people vintage que d’une somme d’épisodes géopolitiques sensibles jalonnés par une réflexion constante sur le statut des royaux face à toutes les composantes de la société.

Après deux saisons de bons et loyaux services, la fantastique Claire Foy laisse la place à la non moins fantastique Olivia Colman pour interpréter le rôle d’Elisabeth II. Ce choix de changer les rôles principaux pour accompagner leur vieillissement est une source de débat animé autour de la théière ! Tout le monde s’accorde quand même pour reconnaître que le talent d’interprétation reste admirable.

Remarquez que je parle un peu plus haut d’épisode. Vous me direz quoi de plus normal dans une chronique où il est question de séries. Oui, mais la structure de The Crown dédouble la signification du mot, chaque volet pouvant se séparer de plusieurs années. Et finalement, le choix du changement d’acteurs vient prolonger cette approche qui se nourrit précisément de la discontinuité.

On imagine alors que cette spécificité pourrait conduire Netflix à la diffuser différemment. Pourquoi ne pas envisager effectivement une diffusion hebdomadaire pour la série de Peter Morgan ? Après tout, sa popularité est désormais déjà bien installée. Cela montrerait encore un peu plus le vecteur de liberté du diffuseur. Cela donnerait surtout une toute autre visibilité à chacun des épisodes de la série. Car on le dit encore bien trop peu : la mise à disposition à coup de saison entière écrase la singularité de l’épisode. Elle empêche de discerner précisément la variation et incite plutôt à résumer par une tendance moyenne qui ne rend pas service à une série dès lors qu’elle fonctionne en séquences distinctes.

Vous l’avez compris, je déguste The Crown à un rythme hebdomadaire. Je laisse chaque épisode s’imprégner et infuser dans mon subconscient. Je me laisse surtout le temps d’encaisser chaque événement (comme cet épisode à Aberfan, Pays de Galles par exemple). Netflix vous laisse le choix mais certains pontes de la firme au ‘N’ doivent quand même se gratter la tête en se disant qu’ils ont peut être matière à créer ces fameuses discussions du lundi matin, près de la machine à café/thé…

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