Luck s’est donc achevé dimanche par un double épisode (enfin un double, c’est vite dit car il n’atteint pas les 70 minutes génériques compris). Je ne reviendrai pas sur les conditions qui ont amené HBO a annuler ce drama hippique (je détaille tout ça dans mon précédent post) et je vais plutôt tenter de faire un bilan qui colle au plus près de ce que j’éprouve.
Mais tout d’abord je vous propose de lire la suite en musique avec le bluesman Tony Joe White que l’on entend durant l’épisode :
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Véritable immersion dans l’univers des courses de chevaux, Luck aborde plus généralement l’addiction au jeu (les tribulations de Jerry au Poker par exemple). Mais on aurait tort de limiter son champs d’action à cette simple thématique.
On peut regrouper les personnages en trois groupes principaux. Les joueurs et en particulier le quatuor de parieurs autour duquel gravitent un certain nombre d’autres connaissances. Le monde des écuries qui comprends les jockeys (auxquels on peut ajouter les agents qui les représentent), les entraîneurs et leurs staffs. Enfin, les propriétaires et gros bonnets plus en retrait.
C’est par le biais d’une description transversale des différentes strates qui la compose que l’on découvre la ville dans la ville qu’est le champ de course de Santa Anita !
Au départ la série est difficile d’accès, il faut le reconnaître. On ne connaît pas les motivations du tout juste sorti de prison Ace Bernstein (Dustin Hoffman) et de ces connaissances plus ou moins amicales, le jargon des turfistes est abscons au possible et de manière générale, hormis un ou deux cas particulier (Mr. Smith par exemple), les personnalités ne se révéleront que sur la durée.
Au fil des épisodes l’ensemble acquiert pourtant une cohérence indéniable. La manière dont les personnages se rencontrent est toujours subtile tout en étant parfaitement logique. On touche là au premier grand tour de force de la série ! La construction d’un écosystème qui fonctionne à la fois dans son ensemble comme dans ses plus petits rouages.
J’ai le sentiment au final d’avoir assisté à un récit global dont la maestria relève de l’orfèvre et que je place même un cran au dessus de Boardwalk Empire (pourtant déjà impressionant sur ce point).
« The first thing we’re gonna do when we own this place,
once a month we give a horse away. »
(Ace Bernstein)
Si vous avez parcouru mes différents posts sur la série, vous savez que j’ai pointé du doigt l’inconstance de la réalisation. Après un pilote de toute beauté réalisé par Michael Mann, il y a un gros différentiel négatif et il faut attendre le quatrième épisode afin de retrouver une qualité formelle ambitieuse.
La deuxième partie de saison est plus régulière, faisant la part belle aux chevaux. Le pari était pourtant loin d’être gagné car la structure des épisodes est souvent répétitive, ancrée autour d’une course centrale. En plus de ces courses qui sont très prenantes (parfois haletantes, couplées avec une musique bien choisie), chaque personnage est mis en image de belle manière avec une esthétique propre.
Que dire enfin du casting ?! Il était tout particulièrement attendu au tournant avec des acteurs comme Hoffman ou Nolte. Ce dernier est tout de suite à son avantage avec un personnage bourru avec tout les comportements d’un ours qui conviennent parfaitement à son physique. Dustin Hoffman trouve sa place un peu plus progressivement mais au final son style si émouvant et tout en retenu offre une plus value importante à la série.
La profondeur du cast est pour le moins ahurissante. C’est presque un peu simpliste de l’affirmer s’agissant d’une production HBO, mais il est absolument sans failles.
Mentions spéciales pour Richard Kind (Spin City) dans le rôle de l’agent bégayeur Joey Rathburn et John Ortiz dans le rôle de l’entraîneur Turo Escalante à l’accent Spanglish haut en couleurs.
Devant l’ampleur du récit déployé sous mes yeux il est évident que je répondrai par l’affirmative à la question de savoir si Luck nécessitait une seconde saison. Si un cycle semble être conclu, rien n’est vraiment résolu après ce final.
Maintenant, il faut être réaliste et savoir reconnaître que la série n’a pas trouvée son public et par conséquent il semble honorable que les événements précipitent sa fin.
En définitive, ce projet même limité à neuf unités mérite amplement qu’on s’y intéresse et constitue déjà une référence dont les participants sortent la tête haute !
Visuel : Luck / HBO
Musique : Tony Joe White « elements and things » (1969 Monument Rec.)