Dans une interview, Matthew Weiner, le créateur et showrunner de Mad Men définissait cette cinquième saison par le thème du succès. Si c’est, plus que jamais, toujours un grand plaisir de retrouver l’univers et surtout ces personnages, je ne crois pas que l’on puisse parler de succès aussi pour estimer la qualité de cette saison…
Bien que j’essaie toujours de ne rien révéler, je vous préviens tout de suite que ce texte devrait aborder des éléments que vous pourriez regretter de lire si vous n’avez pas encore vu ces épisodes !
A la fin de l’épisode, on entend un classique de Nancy Sinatra signé du compositeur John Barry pour le cinquième film de la série des James Bond et qui s’intitule « You only live twice ». Ce morceau qui est régulièrement repris et samplé (la version la plus célèbre est sans doute celle de Robbie Williams), est, déjà de par son titre, porteur d’une forte signification pour une conclusion ! Il accompagne un Don qui semble revenir à son ancien style de prédilection : cigarette, old fashioned et nouvelle conquête feminine !
Voici le morceau dont il est question :
–
Avant le début de la diffusion des épisodes, vous vous souvenez peut être de l’intrigante affiche de cette saison (je m’étais même fendu d’un texte de suppositions), qui laissait perplexe. Quand je la revois désormais, elle m’évoque l’une des principale direction de la saison : la remise à plat du couple dans la vie de Draper, caractérisé par son remariage avec Megan !
C’est de loin ce qui m’a le plus fasciné cette saison et notamment parce que Weiner a su créer un autre alter ego au personnage de Jon Hamm avec cette nouvelle femme interprétée brillamment par Jessica Paré, qui relègue au passage son ex au rang de troisième rôle. Sous les traits d’une jeune femme résolument moderne, on aurait pu croire qu’elle aurait métamorphosé son pubard de mari vers une seconde jeunesse. Il n’en fut rien et dans un contre pied progressif, il est apparu dépassé par une nouvelle génération (Megan, Ginsberg, les Beatles…) qu’il a d’énormes difficultés à appréhender (pilule dure à avaler s’agissant de quelqu’un qui prétend savoir comment les gens fonctionnent…) pour tendre au final vers une figure paternelle vieillissante !
Le constat est d’autant plus sévère que cette évolution est annihilée par une pirouette grossière à la fin de cet épisode qui semblerait vouloir nous faire croire qu’il est redevenu aussi conquérant qu’avant…
Toujours est-il que la manière dont Weiner fait encore évoluer la sculpture de son héros est à la fois subtile et magistrale.
Pour le reste, le ton général penche très nettement vers le pessimisme et par extension, on serait tenter d’y voir une trajectoire qui se dirige vers la fin d’une histoire !
Sans parler du pauvre Lane, le téléspectateur assiste à la fin hallucinée du second mariage de Roger, à la fin d’une liaison extra-conjugale morte-née pour Campbell, à la fin de l’adolescence de Sally, à la fin du couple de Joan et surtout à la fin de Peggy dans l’agence (j’en oublie sûrement !). Tout cela fait un peu beaucoup d’autant plus que les passages où l’on pourrait se réjouir (comme la virée LSD de Roger) sont très rares…
Sur la forme, c’est aussi une légère déception qui domine principalement parce que les scènes sont dominées par un certain enfermement ! Faut-il y voir un transfert de budget qui impose à la production de limiter au maximum les scènes en extérieur ?!
On retrouve en tout cas des décors moins représentatifs de l’époque (la banlieue pavillonnaire a disparu) et plus passe partout comme les bureaux aux open space impersonnels, un multiplication des scènes d’ascenseurs et c’est à peu près tout.
Il y a parallèlement peu de place pour exprimer une volonté esthétique quelle qu’elle soit et si les acteurs participe à la réalisation (Hamm et Slattery), c’est pourtant visuellement d’une constance formelle presque trop régulière. Après tout, c’est tout l’intérêt de la série télé que de pouvoir proposer des éclairages différents et l’on se souvient que le talentueux Barbet Schroeder avait signé un bel épisode en fin de troisième saison…
En définitive, on ne qualifiera pas cette saison de mineure car il s’y déroule plein d’événements, parfois très dramatiques, et qui participent grandement au statut de Mad Men !
Je remarque que les amateurs retiennent souvent la troisième saison comme la plus accomplie. J’ai personnellement ressenti plus d’émotions lors de la quatrième et cette cinquième saison ne devrait pas remettre en cause ces préférences.
Visuels : Mad Men / AMC
Musique : Nancy Sinatra (John Barry) « you only live twice » (1967 Reprise Rec.)