13 épisodes publiés sur Netflix début février
et sur Canal Plus dès le 29 août
(une saison 2 est prévue)
Non, non, je n’ai pas d’actions Netflix ! C’est vrai que j’en parle tous les jours depuis mon retour de vacances mais promis, ça ne devrait pas durer (la rentrée sera riche en nouveautés…). Je me dois tout de même d’écrire ici un avis global sur cette deuxième production originale du service de vidéo à la demande (Lilyhammer avait été la première à être diffusée l’an passé, même si les deux projets ont été pensés dès 2011 ; HoC aura été plus longue à se concrétiser).
Lancée le 1er février, House of Cards continue d’alimenter l’actualité. A la mi-juillet, on apprenait qu’elle était en course pour 9 Emmys cette année et puis c’est demain que les abonnés à Canal Plus pourront la découvrir, dans le rôle de première série événement de la chaîne en cette rentrée, ce qui est déjà en soi assez révélateur.
Comme habituellement, je ne vais rien révéler dans ce qui suit. Toutefois, si vous découvrez ce texte en ne connaissant pas la série, vous préférerez sans doute d’abord voir une bande annonce dans cet ancien billet et/ou une présentation plus appuyée dans cet autre texte !
Dans un article du LA Times consacré à Ted Sarandos (Responsable des contenus chez Netflix), on apprenait quelques détails sur la genèse du projet. David Fincher souhaitait s’essayer au format sériel. Une de ses connaissance avait attiré son attention sur l’oeuvre originale de la BBC. Fincher se présenta alors aux représentants de chaînes (principalement câblées car le projet était de partir sur une saison autour de 10 épisode) pour pitcher son idée. Au lieu d’assister à cette réunion traditionnelle, Sarandos obtint un entretien avec le réalisateur de Fight Club et lui fait une offre qu’il ne pourra pas refuser.
C’est que voyez vous, chez Netflix, on est bien organisés et l’on sait pertinemment ce qui plait à ses abonnés. L’équation drama politique + David Fincher + Kevin Spacey affolait les algorithmes maisons, il fallait donc absolument s’assurer le projet.
Seulement voilà, Netflix débute et ne reçoit que les scripts de fond de tiroir dont plus personne ne veut. Sarandos doit convaincre et Il annonce donc à Fincher que Netflix souhaiterait non pas une mais deux saisons pour un total de 26 épisodes, en précisant qu’ils sont prêts à mettre 100 millions de dollars sur la table sans avoir vu le moindre pilote !
La mini-série originale fut diffusée sur la BBC en 1990. Elle est basée sur un roman de Michael Dobbs, ancien chef de cabinet du parti conservateur anglais. En adaptant ce texte, Andrew Davies avait déjà apporté quelques changements dont le fameux principe qui veut que Francis Urquhart (qui devient Underwood dans la version US) s’adresse au téléspectateur. Tout comme Boss, la référence à Shakespeare est flagrante même si elle vient en partie de la prestation de Ian Richardson dont la carrière était passée par le théâtre du célèbre dramaturge.
Pour adapter ce classique, David Fincher s’est attaché les services de Beau Willimon qui avait mené à bien l’adaptation au cinéma de sa propre pièce pour Les Marches du pouvoir de Georges CLooney. Willimon et Fincher ont très vite convenu qu’il fallait garder le principe de départ pour construire leur histoire ensuite avec plus de liberté. En comparant les deux versions, on remarque effectivement la parenté mais ce qui frappe surtout, c’est la transposition du récit dans un univers très contemporain. Car Willimon, en ayant peut être en tête la nature révolutionnaire du médium sur lequel serait projeté son travail, s’est attaché à ancrer fortement ses personnages au sein d’une époque moderne en multipliant les références à Twitter, Google, le pure player fictionnel Slugline et l’utilisation des nouveaux écrans (smartphones, tablettes) à outrance.
Pour autant la machination déployée, si elle réserve son lot de surprises bienvenues et un suspense continue tout au long de la saison, ne parvient pas à créer le climax espéré. Il faut peut être y voir une conséquence de l’adaptation qui implique une certaine stagnation de l’intensité du récit sur cette durée plus longue. C’est sans doute plus sûrement à expliquer par l’inexpérience de Willimon dans le rôle du showrunner novice.
On sait désormais, comme l’évoque cet article, que certains passages ont été réécrit en cours de tournage. C’est courant dans le cadre d’une série mais il apparait clairement que les scénaristes naviguaient à vue !
« Generosity is its own form of power, Zoe. »
(Frank Underwood)
Beaucoup s’interroge sur l’exactitude du cynisme déployée par Underwood et dans quelle mesure il reflète le corps politique américain. Ce n’est pourtant pas le sujet principal de la série qui se concentre plutôt sur les différentes formes du pouvoir. Qu’il soit flagrant de par les jeux d’influences sur la « colline » ou bien plus subtiles, notamment via le parcours de Claire lorsqu’elle observe de simples employés.
En déployant ce propos, la série touche au but et fascine par la manière dont le couple principal porte un regard empreint d’un détachement souvent ambigu.
Mais revenons à David Fincher. Je ne vais pas vous rappeler ici son CV. Après de grands cinéastes comme Michael Mann (Luck) et Martin Scorsese (Boardwalk Empire), c’est une autre grosse pointure qui se consacre au format sériel. En tant qu’instigateur du projet, House of Cards lui doit beaucoup. Lorsqu’on y regarde d’un peu plus près, il est crédité à la réalisation des deux seuls premiers épisodes mais il ne cache pas avoir fait bien plus (il détaille son rôle dans cette interview d’Olivier Joyard).
Dès les premières images, on remarque une certaine continuité esthétique avec ces précédents films (The Social Network, Millénium) bien que le chef opérateur en place (Eigil Bryld) n’ait pas participé à ses précédents films. Au delà de ces tonalités familières, la mise en scène est fort classique pour ne pas dire effacée. Il façonne d’élégants cadrages mais il y avait sans doute un autre regard à apporter. On se souvient du fantastique travail de Gus Van Sant sur Boss par exemple.
Enfin, il faut souligner le casting très pointu de la série. Kevin Spacey justifie à lui seul d’avoir la curiosité de découvrir House of Cards. Avec un personnage complexe, régulièrement mis en avant, il fallait un acteur de grande classe et Spacey a tout le talent nécessaire. On trouve à ses côté la trop rare Robin Wright qui construit ici une femme en tout point glaçante.
Signalons aussi deux jeunes acteurs prometteurs qui semblent élever leur niveaux respectifs en cours de saison : Kate Mara dans le rôle d’une journaliste opportuniste et Corey Stoll qui étonne en marionnette téléguidée à son insu.
House of Cards est une belle série mais pour devenir une grande, il lui faudra démontrer d’autre qualités, notamment sur la gestion du récit. Certains sériephiles auront surement à cœur de défendre l’antériorité de la version anglaise mais, je trouve pour ma part cette transposition moderne totalement justifiée.
A mes yeux, elle souffre de la comparaison avec Boss qui en plus d’être également un drame politique shakespearien, avait démontré bien plus d’ambitions dès sa première saison.
Il sera pourtant raisonnable d’espérer une saison 2 en progrès. Ça tombe bien, c‘est justement ce que nous promet Beau Willimon !
Visuels : House of Cards / Netflix
Je partage ton analyse « House of cards » moins forte que « Boss » mais délicieuse à regarder!
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