(FX) saison 1 de 13 épisodes et saison 2 à partir du 26 février –
J’évoquais justement la série la semaine dernière à l’occasion d’une note sur la trop vite décapitée The Assets ! Avec The Americans, nous entrons sur le podium de ma rétrospective 2013 et le temps est venu d’user de gros superlatif.
La série d’FX à ne pas confondre avec une homonyme datant de 1961 sur NBC, a osé les années 80 pourtant bien moins sexy que les années 60/70 très rétro de Mad Men. Et puis surtout, elle a osé l’espionnage façon guerre froide à une époque ou le téléspectateur était habitué à être bousculé par les soubresauts nerveux d’une Homeland.
Je suis persuadé qu’elle méritait mieux qu’une simple diffusion sur la spécialisée Canal+ Séries et je vais tenter de vous enrôler afin de soutenir la mère patrie !
Elizabeth et Philip Jennings habitent avec leur deux enfants dans une banlieue agréable de Washington D.C. Nous sommes en 1981, Ronal Reagan est président, les voitures sont carrées, il n’y a pas de téléphones portables et les gens écoutent encore Phil Collins. Mais les Jennings ne sont pas de simples banlieusards, ils sont surtout des espions pour le compte de la Russie qu’ils ont quitté il y a de ça une quinzaine d’année. Ils multiplient les actions dans le but de fournir des informations de premier ordre qu’il transmettent ensuite au pays avant de retrouver une vie familiale ordinaire.
The Americans se trouve parfaitement résumée dans cette dualité. D’un côté une intrigue d’espionnage et de l’autre une situation familiale idéale en apparence. Les deux facettes sont pourtant intimement mêlées par la force des choses, traversées par les mêmes vecteurs que sont la confiance et le mensonge.
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La série est une création de Joe Weisberg. Dès l’âge de 11 ans, le jeune Weisberg se passionne pour l’espionnage en lisant John Le Carré. Il en fait alors son objectif de carrière, allant même jusqu’à prendre des cours d’histoire soviétique à Yale. Il entre ensuite logiquement à la CIA en 1990 mais n’y restera guère longtemps, découragé par une réalité bureaucrate bien loin de ses rêves d’enfance. Il publie ensuite deux romans et commence à s’intéresser à la télévision. Il écriera notamment un épisode de Damages puis trois autres pour Falling Skies. En 2010, la presse révèle l’arrestation de dix personnes infiltrés sur le sol américain et soupçonnés de travailler pour le comte de la fédération de Russie. Ces dix “illegals”, comme on les appelle, seront ensuite échangé très discètement via Vienne contre quatre personnes en provenance de Russie. Weisberg, tout comme le public américain plus largement, découvre avec stupeur cette affaire d’autant plus saugrenue qu’elle intervient alors que le contexte de la guerre froide est loin derrière nous. Il reçoit dans la foulée un coup de fil de responsables chez Dreamworks qui lui demande d’imaginer un projet de série à partir de cet événement. Il a alors l’idée de transposer la vie de ces infiltrés sous l’ère Reagan qui qualifiait alors l’Union soviétique “d’empire du mal”. Durant ces années à la CIA, il avait été fasciné par des intervenants menant une double vie entre leurs fonctions officieuses et leur vie familiale banale. Il combine ensuite tout cela avec l’expérimenté Joel Fields (Commander in Chief, Dirt, Ugly Betty) à ses côtés pour le compte de la chaîne FX. The Americans est née.
La série fait ses débuts à la fin du mois de janvier 2013 et le sériephile découvre l’un des plus beaux pilotes de ces dernière années. Après une séquence d’introduction pendant laquelle Elizabeth séduit un haut responsable dans un bar, les premières minutes de l’épisode sont haletantes notamment grâce à une course poursuite nocturne dramatique. La succession de séquences très dynamiques est accompagnée en musique par du Fleetwood Mac (“Tusk”) et va marquer durablement l’atmosphère de la saison à venir.
Au contraire d’une Mad Men dont les extérieurs susceptible de convenir pour l’époque sont difficiles à trouver, The Americans use de nombreux lieux encore intacts et parvient à introduire une authentique reconstitution d’une période à la fois proche et lointaine. Certains passages comme dans l’episode 3 (“Gregory”) réalisé par Thomas Schlamme sont fascinants pour leur subtils décalages. Schlamme, qui s’est fait un nom sur le format sériel avec les fameuses séquences de “walk & talk” d’à la Maison Blanche, parvient à situer plusieurs personnages au sein d’un même quartier dans une reconstitution spatiale étonnante. Les détails des façades de commerçants en passant par le mobiler urbain et les voitures d’époque peaufinent une représentation saisissante de la période.
Et puis, on éprouve un plaisir certain à retrouver des situations qui deviennent compliquées car les moyens de communications ne sont pas ce qu’ils sont aujourd’hui. Les dispositifs d’écoute façon années 80 sont furieusement low-tech et c’est un réel bonheur de voir ces appareils manipulés par les personnages de la série. Sans entrer dans les détails, le dernier épisode nous confronte directement aux limites technologiques de l’époque et il apparaît clairement que les scénaristes se sont emparé de ces limitations avec délectation.
Paradoxalement, cette première saison de The Americans ne s’aventure pas vraiment sur les différences politiques des deux camps. L’opposition et les antagonismes qui apparaissent sont plutôt la conséquence de situations fortuites ou subies plus que d’actions délibérées.
Le couple Jennings est d’ailleurs révélateur à ce titre des motivations qui animent les scénaristes. Alors qu’Elizabeth semble très impliquée à la cause de son pays natal, Philip est plus ouvert à la vie occidentale. La proximité de leur voisin qui se trouve être un agent du FBI renforce l’idée que les deux camps sont animés par des personnes tout à fait en mesure de s’apprécier.
Mais parlons justement de ces trois personnages. Dans le rôle d’Elizabeth, Keri Russell trouve enfin un rôle majeur à la mesure du talent qu’elle nous avait fait découvrir dans Felicity. Son mari Philip est campé par l’acteur gallois Matthew Rhys qui rebondit lui aussi de belle manière après Brothers & Sisters. Enfin, face à eux, le toujours très bon Noah Emmerich constitue un adversaire à la hauteur.
De manière générale, le casting est vraiment très complet. Je ne peux m’empêcher de citer Margo Martindale qui nous montre encore un peu plus toute l’étendue de son talent.
Avec une structure batarde qui permet à la série de ménager une intrigue générale sérialisée et des trames plus courtes limitées à l’épisode, The Americans parvient à faire un sans-fautes. Tout est tellement impeccable que l’on en oublierait presque que son showrunner débute. Cette première saison très complète et sans bavures aura toutefois instillé un surplus de pression à l’intérieur de la salle d’écriture pour parvenir à maintenir le niveau. La saison 2 qui nous arrive le mois prochain sera attendue au tournant !
Visuel & vidéo : The Americans / FX
Pas au tournant pour moi mais de pied ferme c’est sûr ! 😉 Parce qu’au final ce que j’aurai aimé le plus dans cette première saison c’est la relation entre Elizabeth et Philip, couple formé de force, qui n’a pas besoin d’en être un et qui pourtant évolue de façon différente selon les deux points de vue… Hâte donc de voir comment tout cela va se développer dans la prochaine saisons !
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