(HBO) minisérie en quatre parties et visible chez nous via OCS –
Avec la multiplication des projet plus restreints, le renouveau de l’anthologie et l’émergence de soi-disant nouveaux formats (Event Series, Limited Series), on pourrait penser que la minisérie est une espèce en voie de disparition ! Hors il n’en est rien. Elle reste notamment et plus que jamais le format de prédilection pour adapter un roman avec fidélité.
C’est notamment le cas pour Olive Kitteridge, un ouvrage écrit par Elizabeth Strout et dont la transposition à l’écran en quatre parties pour HBO se révèle paradoxalement aussi austère que lumineuse.
« there’s no such thing as a simple life »
Olive Kitteridge enseigne les mathématiques dans une petite ville côtière du Maine. Vive et sûre d’elle, ses élèves mais aussi leurs parents la redoutent pour son caractère de cochon. Henry, son mari, est une vraie crème. Pharmacien prévenant, il se montre toujours compréhensif et contraste fortement avec sa femme qui parvient au mieux à n’être que cassante. Forcément leur mariage n’est pas un long fleuve tranquille et Christopher, leur fils unique, en fait souvent les frais. Néanmoins, Olive n’est pas la seule à s’apitoyer sur son sort. La monotonie des lieux semblent façonner une galerie de personnages plus ou moins proches du couple mais invariablement tourmentés.
Cette minisérie débute par la fin. Notre héroïne s’apprête à commettre l’irréparable et quatre épisodes étalées sur 25 ans ne seront pas de trop pour comprendre comment elle en est arrivé là.
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On doit en grande partie l’existence de cette adaptation à la seule Frances McDormand (productrice et interprète principale). L’actrice qui avait été oscarisée pour son rôle dans Fargo, s’est elle-même positionnée sur les droits d’adaptation de l’oeuvre de Strout (prix Pulitzer de la fiction en 2009). Ce projet lui tenait à coeur et c’est tout naturellement qu’elle a souhaité le confier à Lisa Cholodenko. Mais la réalisatrice ne souhaitait pas l’écrire et on la comprend. Le texte constitué de 13 nouvelles parfois très éloignées du personnage d’Olive n’est pas des plus malléable.
McDormand se tourne alors vers la dramaturge Jane Anderson, une autre amie, et cette dernière accepte le défi. Le projet est d’emblée confié à HBO mais les gens de la chaîne veulent en faire une série à part entière. Anderson et McDormand ont la conviction que le matériau convient plus pour une minisérie et finissent par convaincre le diffuseur.
Une ode à la patience. Si vous ignorez tout de ce récit, je ne vais pas chercher à vous berner. Olive Kitteridge n’a rien pour elle. En plus d’être obtuse, acariâtre et revêche, elle évolue dans une ville plus morne que paisible. Et puis, pour couronner le tout, il n’est question ici que de thèmes compliqués comme les difficultés du couple, la fin de vie et tout cela sur un rythme de sénateur.
Mais au milieu de tout ce marasme, germe quelques pousses de bonheur, quelques éclaircies de tendresse. Et parce qu’elles sont noyées dans cet océan de grisaille, elle en deviennent si éclatantes, si chaleureuses que l’émotion nous saisit avec une intensité rare.
L’accumulation de petits détails et objets – comme par exemple ces piluliers préparés par le mari d’Olive – qui sont propres à l’univers littéraire, sert à décupler ces micro-accidents vers le positif. Ce procédé se révèle rapidement bouleversant et prend progressivement le dessus sur un récit qui n’aura finalement été austère qu’en apparence.
Une performance sublime. Pour donner vie à ces étincelles éparses, il fallait une actrice de talent, capable de basculer entre une autorité naturelle et de subtiles déséquilibres émotionnels. Frances McDormand est de cette étoffe là. Elle trouve ici un rôle exigent et à sa mesure, de ceux qui marque durablement l’esprit car ils combinent des postures diamétralement opposées. Comment ne pas défaillir quand son personnage qui n’affiche jusqu’ici que le dédain semble s’arracher des limbes pour faire naître notre affection ?
La seule présence de McDormand suffirait à distinguer la minisérie. L’actrice est pourtant bien entourée et notamment par deux acteurs avec l’expérience et le talent nécessaire pour lui rendre coup pour coup. Enfin oui et non, car Richard Jenkins dans le rôle d’Henry, son mari, fonctionne sur le registre consistant à déployer toutes les nuances de l’adorable. Elle trouve toutefois un peu plus de répondant avec Bill Murray qui sous les traits d’un Jack Kennison ultra blasé, parvient à exister tout en classe et en ironie face à la tornade Olive.
Olive Kitteridge fût projetée pour la première fois à la Mostra de Venise début septembre. Les festivaliers auront pu la découvrir d’un seul tenant et c’est loin d’être déconcerté par ce binge watching en salle de cinéma qu’ils auront très largement salué ce qui constitua le point d’orgue de la sélection 2014.
En plus d’être une adaptation réussie portée par la prestation émouvante de son instigatrice, Olive Kitteridge se trouve être un petit bijou que le cinéma nous envie. Elle trouve donc indiscutablement sa place dans cette rétrospective et je vous la recommande vivement.
Visuels & vidéo : Olive Kitteridge / HBO
Retrouvez ce billet dans la sélection hebdomadaire Séries Mania