(ITV) 2 saisons de 8 épisodes chacune –
Les téléspectateurs français ont découvert Broadchurch il y a un petit peu plus d’un an sur France 2 (elle avait été diffusée dès mars 2013 sur ITV) et j’avais, à cette occasion, émis un avis mi-figue mi-raisin sur la série. Son approche très complète sur le deuil, la suspicion et le tourbillon médiatique qui suivait un drame bouleversant au sein d’une petite ville côtière anglaise, était fascinante. La recherche d’une surcharge émotionnelle constante ainsi qu’une enquête bancale l’était beaucoup moins.
Du reste, on voyait mal comment la série pouvait se poursuivre, sachant que le mystère se résolvait en fin de saison. Pourtant la série surprend en saison 2 grâce à une métamorphose ingénieuse et pertinente. Au final, cette évolution aura été assez neutre, Broadchurch gardant somme toute ses défauts et ses qualités.
Je ne vais pas commenter ici en détails les rebondissements de ce retour à Broadchurch au delà de son point de départ. Toutefois, en évoquant les enjeux dont il est question, il se pourrait que j’indique certaines directions qui pourraient vous déplaire si vous souhaitez éviter toute révélation. Passez donc votre chemin si c’est le cas et allez donc plutôt lire ma présentation de la série et le bilan de la saison 1 que j’avais proposé dans cette colonne.
Le complément littéraire
Cette deuxième volée d’épisodes pour Broadchurch était accompagnée d’un dispositif inédit – en tout cas à ma connaissance – en cela que chaque épisode se voyait prolongé par la sortie d’une nouvelle écrite par Erin Kelly en collaboration avec le créateur de la série (Chirs Chibnall) et mise à disposition via Amazon dès le soir même de la diffusion.
Erin Kelly est une auteure de thriller qui avait déjà publié un roman reprenant les événements de la première saison. On imagine alors volontiers qu’elle aura anticipé ce même travail et qu’en fait de nouvelles, il s’agissait tout simplement d’extraits d’un deuxième volume à paraître.
J’ai lu sept des huit nouvelles en question. En effet, pour une raison qui m’est inconnue, la boutique française d’Amazon ne propose pas le septième volet à l’heure où j’écris ces lignes !
D’emblée très séduit par le procédé, mon excitation s’est rapidement calmée. La portée des nouvelles est assez inégale. Je pense notamment à la deuxième qui s’intéresse à Maggie (la responsable du quotidien local) et dont le sujet s’avère complètement périphérique à la série. Par contre les histoires centrées sur les personnages secondaires comme les avocates apportent un complément bienvenu, voire presque indispensable pour bien comprendre la dynamique de certaines relations.
Avec un petit peu de recul, je crois que j’attendais beaucoup trop de ces excroissances littéraires. Hors, elles ne peuvent être que parcellaires et non indispensables à la compréhension de la série. Si lire de l’anglais est dans vos cordes, je vous recommande vivement de découvrir la série avec ces textes en parallèle.
La métamorphose
La saison 1 de Broadchurch était un « Whodunit » des familles. Un meurtre, des suspects multiples, une enquête qui piétine et la série excellait dans sa gestion des répliques sismiques du drame. Toutefois le mystère se résolvait au sein du dernier épisode de la saison et la suite de l’intrigue devrait forcément rebondir.
Chris Chibnall opte alors pour un récit dédoublé. Oui, il repart sur une structure de Whodunit avec l’affaire de Sandbrook mais il choisit également de poursuivre l’affaire Miller en la faisant évoluer vers sa suite logique : son volet judiciaire. Cette évolution du policier au légal – même si le policier reste présent avec l’affaire Sandbrook – est une belle trouvaille ! Non seulement, le traitement aux assises permet de maintenir la tension développée en saison 1 mais il offre aussi la solution la plus logique en prolongent une affaire qui n’aurait pas pu être escamotée sous le tapis et remplacée entièrement par une autre.
Les épisodes défilant et la surprise passée, on constate néanmoins que les travers de Broadchurch restent cruellement d’actualité. Les irrégularités dans l’enquête – en plus de ceux qui étaient intentionnels – trouvent ici un prolongement judiciaire également. Je pense notamment aux manigances de la défense et à l’attitude de Bishop (elle n’a notamment pas le droit de pointer du doigt dans une cours de justice) qui prend bien trop de liberté pour maintenir le flot de rebondissements.
Il y a aussi ces tourments de santé paralysant Hardy qui connaissent un paroxysme brutal avant de disparaître beaucoup trop facilement.
Plus généralement, et les deux récits de cette saison 2 que sont le procès et Sandbrook viennent le prouver, Broadchurch se complaît dans l’erreur. les deux enquêtes et le travail du procureur en sont criblé. Cette dominance du ratage finit ainsi par desservir la série qui peinent à démontrer la faillibilité de ses personnages en proie à une vive émotion.
Le salut par le casting
Avant de connaître un deuxième avatar sur France 2 – qui s’intitulera “Malaterra” –, Broadchurch avait déjà été remixée une première fois lors de la rentrée passée sur la Fox. Le clone se nommait Gracepoint et j’utilise ici le passé car les dix épisodes diffusés n’ont pas convaincu (la série n’aura pas de saison 2). La copie était pourtant trop très fidèle mais il lui manquait ce casting parfait en tout point qui fait magnifie l’originale.
La saison 2 de Broadchurch confirme et étend la pertinence ainsi que le talent d’un casting de grande classe. Si je ne suis pas forcément sensible au jeu de David Tennant affublé ici d’un accent exagéré, sa partenaire, l’excellente Olivia Colman m’embarque systématiquement et ce quelque soit le registre. Mais les performances de haute volée concernent également le reste du cast avec, en premier lieu le couple Latimer (Jodie Whittaker et Andrew Buchan) qui est en tout point bouleversant (ce qui faisait d’ailleurs cruellement défaut à leurs équivalents du côté de Gracepoint).
Enfin les ajouts de Charlotte Rampling et Marianne Jean-Baptiste (les avocates) subliment – si c’était encore possible – une distribution qui portent à bout de bras la série. On en regrette même que ces deux dernière n’aient pas eu un peu plus de temps de parole.
ITV s’est empressée, dès le final terminé, d’annoncer qu’il y aura une saison 3. Nous sommes à nouveau plongé devant l’inconnu après une nouvelle conclusion que l’on pourrait qualifier de fin satifaisante. J’avais lu quelque part que Chibnall avait initialement pensé Broadchurch comme une trilogie. Par la suite, il avait d’abord été ravi qu’une première saison aboutisse. Cette saison, il nous démontre qu’il a effectivement plus d’un tour dans son sac mais, je ne vous cache pas que j’y reviendrait non pas pour ces tours de passe-passe mais bien pour Colman et compagnie !
Visuels : Broadchurch / ITV
Nouvelles par Erin Kelly (Chris Chibnall) / Amazon
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