(HBO et OCS chez nous) saison 1 en 8 épisodes et saison 2 prévue –
J’en parlais ici la semaine dernière à l’occasion d’un texte estampillé rétrospective et consacré à Married (FX). Togetherness – dont la première saison s’est terminé dimanche soir sur HBO – emprunte en effet une direction très similaire à la série d’Andrew Gurland. Elle a également pour point commun d’être la création de deux habitués de la scène du cinéma indépendant : les frères Duplass (quoiqu’avec un deal récent pour 4 films avec Netflix, il ne sont plus si indépendants que ça…).
HBO a t’elle donc eu raison de croire en ce duo (cela ferait 8 ans qu’elle les courtise tout de même !) ? Je n’en suis pas convaincu au vu de ces huit premiers épisodes. Si la performance du casting dans son ensemble est irréprochable, le reste est assez convenu !
Michelle et Brett Pierson forment un couple marié avec deux enfants. Alors qu’ils parviennent tout deux difficilement à s’accorder à ce stade de leurs vies, Tina, la soeur de Michelle et Alex, le meilleur ami de Brett, débarquent chez eux après des échecs divers. Ensemble, ils vont tenter de se soutenir pour rebondir…
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Autobiographie
La dynamique de Togetherness est nourrie par l’expérience des Duplass, eux même mariés et parents depuis une dizaine d’années, et augmentée de celle de Steve Zissis (Alex), ami proche depuis le lycée. l’objectif est de s’approprier la crise du trentenaire avoisinant la quarantaine.
Il est très intéressant de constater, s’agissant d’un trio masculin à l’origine du projet, que le point de vue des deux femmes est très soigné. Je n’ai pas comptabilisé les temps de parole mais Michelle et Tina ont une importance comparable aux deux hommes. C’est tout à l’honneur de la série.
Seulement voilà, les personnages de Togetherness ont peu de choses à nous dire. Michelle et Brett ne sont plus sur la même longueur d’onde et notamment sur le plan sexuel. Le téléspectateur se voit présenté ce fossé comme fait accompli et rien ne viendra ensuite les rassembler bien qu’ils soient individuellement deux personnes parfaitement intelligentes et relativement apaisées.
On touche ici au talon d’Achile de la série. Ces personnages sont remarquables et cela rend la possibilité d’un conflit absurde ou, tout du moins, difficile à défendre dans un premier temps !
Du reste l’histoire de Tina et Alex nourrit bien plus d’adhésion mais elle n’est rien d’autre qu’un archétype sur-usité de la comédie romantique. Les amis du couple que tout oppose et qui sont, malgré tout, attirés l’un vers l’autre. Malheureusement leur histoire très balisée ne surprendra jamais au fil de la saison.
Deux étoiles suffisent
Si Togetherness est la première séries du duo de cinéastes que sont les Duplass, ils ont néanmoins fait des incursions à plusieurs reprises sur le petit écran. Ils ont tous les deux notamment participé à la comédie de Mindy Kaling (The Mindy Project), Mark apparaît dans The League et Jay débute vraiment – en tant qu’acteur – dans Transparent (tournée après Togetherness).
Si Mark fait ici l’acteur, on constate par ailleurs que le casting est une étape qu’ils maîtrisent parfaitement. On retrouve notamment les très bons Amanda Peet (Studio 60, The Good Wife) et John Ortiz (Luck, Rake).
Mais je voudrais m’attarder sur deux immenses talents, les deux principales raisons qui m’ont finalement entraîné chaque semaine à suivre Togetherness religieusement et qui ne sont autres que la Néo-zélandaise Melanie Lynskey (Michelle) et le Louisianais Steve Zissis (Alex). Ce dernier possède un de ces visages d’éternel chien battu mais sont talent va bien au delà du physique. Il fait partie de ces rares acteurs ayant la possibilité de se s’afficher en séducteur flamboyant et l’instant d’après en perdant complètement anéanti.
Enfin Lynskey est un secret de cinéaste bien gardé depuis Heavenly Creatures (par Peter Jackson en 1994). Un charme naturel mais aussi ce regard noir qui peut terrasser le téléspectateur si besoin est. En définitive, sa performance est époustouflante, de celle qui dégage une authenticité et une spontanéité délicieuse !
Mumblecore es-tu là ?
Les frères Duplass présentent The Puffy Chair en 2005 au festival SXSW à Austin. Ce film en compagnie de deux oeuvres signées Andrew Bujalski et Joe Swamberg vont être à l’origine d’une mouvance appelée le Mumblecore (mumble = marmonner). Ces artistes qui se connaissent tous de près ou de loin développent alors des récits modestes par la force des choses (car ils n’ont pas beaucoup de moyens) et affichent haut et fort une certaine attitude « Do it Yourself » qui s’opposent naturellement aux cinéma des studios. Il y est souvent question de personnages qui livrent tout ce qui leur passe par la tête, l’improvisation est flagrante, et ce dans des décors minimalistes souvent accompagnés d’un montage grossier.
L’étiquette Mumblecore n’a jamais été très soutenue par ceux qui la compose. Les Duplass eux-mêmes s’en excluent assez mollement. Si j’étais mauvaise langue, je pourrais pourtant affirmer que Togetherness s’inscrit dans ce “dogme” en cela qu’elle se contente d’enjeux relationnels.
Plus sérieusement ma déception est avant tout formelle. Nous sommes à une époque où le cinéma indépendant est en train de réussir sa migration sur le format sériel. Des saynètes de Louie jusqu’à Transparent en passant par Girls, le regard sur le récit épisodique change et Togetherness y est totalement étranger. Ces huit épisodes sont d’un classicisme d’une triste sobriété. On a d’ailleurs le sentiment que les Duplass ont complètement remisé leur savoir-faire sur ce registre et c’est vraiment décevant. On rappellera que pour la seule HBO, des productions équivalentes comme Family Tree, Enlightened ou bien Tell me you love me un peu plus loin avaient bien plus d’ambition formelle…
Togetherness bénéficiera d’un second acte et j’espère qu’il sera l’occasion pour ses créateurs de s’emparer pleinement de leur oeuvre. Après tout, Jay & Mark Duplass débutent et ils ont déjà pour eux d’avoir constitué un ensemble d’actrices et d’acteurs remarquable.
Visuels & Vidéo : Togetherness / HBO
C’est amusant parce que j’ai bien plus accroché que toi ! Et pourtant moi j’ai trouvé que ça se sentait qu’il y avait des hommes derrière ce projet. Car certes les personnages féminins ont autant d’importance que les masculins et pourtant j’ai ressenti tellement plus d’empathie pour ces derniers, je les ai trouvé tellement plus touchants, tellement plus attachants ! Le classicisme ne m’a pas dérangé mais j’espère vraiment pouvoir retrouver plus d’attachement aux deux soeurs pour la saison 2 !
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