Fortitude s01e12

(Sky Atlantic / Pivot) saison 1 en 12 épisodes et saison 2 prévue
Fortitude - Season 01 Sophie Grabol ©2014 Amanda Searle/BSkyB

La performance des productions nordiques ne cesse de s’étaler au grand jour. L’héritage empoisonné le démontre actuellement sur ARTE et le festival Séries Mania qui ouvre ses portes demain au Forum des images devrait à nouveau nous permettre de le vérifier. Vous pourrez y découvrir entre autres les suédoises Blå ögon et Jordskott, la danoise Follow the Money, la finlandaise Tellus ou encore l’islandaise The Cliff.
L’Islande justement constitue le cadre de tournage de Fortitude, une production essentiellement anglaise (L’américaine Pivot étant productrice minoritaire). Le public british est friand de ce qu’il nomme le « nordic noir » et ce n’est donc pas un hasard si l’on retrouve ici l’actrice danoise Sofie Gråbøl (Fobrydelsen).
Fortitude est un drôle d’objet ! Suivant les points de vue, on trouvera qu’elle se perd et se dilue abondamment dans un mélange de genre, ou bien on affirmera qu’elle surfe intelligemment sur les tendances actuelles. Par contre, on s’accordera certainement pour dire que c’est une série à l’exécution magistrale.

Fortitude est une ville reculée (et fictive) installée en bordure d’un glacier sur une des île de l’archipel du Svalbard, lui même situé au delà du cercle polaire. Rattachée à la Norvège, la ville est administrée par un gouverneur et ne sont admis sur son territoire que des personnes avec une mission bien déterminé au préalable (scientifiques, ouvriers, etc).
Il n’y a donc pas de meurtres à Fortitude et pourtant, ce récit s’ouvre sur un photographe qui semble en commettre un avec un fusil à lunette…

Tout azimuth. Fortitude ne se laisse pas facilement appréhender. Le récit s’ouvre sous la forme d’un double “whodunit”. La petite communauté où tout le monde se connaît s’en trouve bouleversée. Les positions instables de chacun des habitants – qui nous pousse à les suspecter à tour de rôle – amènent naturellement vers une comparaison avec Broadchurch.
Mais Fortitude ne s’arrête pas là. La ville fait l’objet d’un projet hôtelier révolutionnaire qui doit s’installer à même le glacier. Des intérêts antagonistes surgissent et le récit prend un tour politique. Ce volet reste toutefois en retrait et l’on regrette qu’il ne soit pas plus exploité.
D’autant plus qu’il se voit rejoindre par une dimension écologique très vite atrophiée. Des éléments naturels d’importance (que je me garderai bien de révéler ici) viennent mettre en péril le projet immobilier et là encore, ce registre se voit cantonné en toile de fond.

Aux frontières du réel. Il y a cependant un quatrième niveau de récit, plus lent à se mettre en place, qui m’a semblé fascinant. Dans le prolongement de recherches à la fois liées aux événements policiers et à l’environnement, une force mystérieuse est découverte. Elle s’immisce insidieusement et vient aliéner la vie d’une partie des protagonistes. Ces éléments de science fiction culminent avec quelques scènes aussi brutales et sanglantes qu’inatendues.
Le basculement en question – qui pourrait évoquer Helix par exemple – est ici parfaitement amené. Les embardées de la série vers les autres genres évoqués plus haut masque cette direction SF et ce procédé plus ou moins intentionnel constitue un bel effet de manche. Mais surtout, le volet science fiction dans Fortitude naît d’un éventail scientifique assumé. La SF ne s’exprime jamais aussi bien que lorsqu’elle est – comme ici – orchestrée sur des bases rationnelles et méthodiques.

Un rythme congelé. Fortitude coince malgré tout entre temps. Nous assistons à une lente mise en place qui dépasse allègrement le double épisode initial. La galerie de personnage est vaste et si certains sont en retrait, aucun n’est réellement délaissé. Il faut donc prendre le temps d’introduire tout ce beau monde et c’est au détriment de l’intrigue.
Fortitude est une création de Simon Donald (le Low Winter Sun d’origine). Son idée de départ était pensée pour un long métrage et l’on devine qu’il n’a pas forcément su maîtriser l’engraissage de son texte pour le faire muer en récit épisodique.
Avec une vue d’ensemble, on constate que les fondations de sa ville ne peuvent pas résister au lent mouvement du permafrost. Tout cela n’est autre qu’une accumulation d’arches qui se trouvent reliées de manière trop légère et facile.

La perfection des formes. Oui, sauf que Fortitude en termine la tête haute ! Pourquoi ? Et bien car l’élaboration de la série est en tout point parfaite. La distribution pour commencer est magistrale. De la glaciale Sofie Gråbøl au brûlant Richard Dormer en passant par les toujours très bons Christopher Eccleston, Stanley Tucci, Michael Gambon, la coupe est plus que pleine et j’en oublie.
Ce casting de grande classe se trouve de surcroît magistralement mis en lumière. Il faut noter le travail fantastique de John Conroy à la photographie que l’on avait quitté il y a peu sur la saison 2 de Broadchurch (tiens, tiens, comme on se retrouve).
Enfin, j’ai déjà eu l’occasion de l’introduire dans un précédent billet, la musique signée de l’artiste Ben Frost est – je mâche mes mots – immense. Comme son support visuel fuyant, elle emprunte des formes plurielles et touche profondément le téléspectateur. Je citerai en mention spéciale, ses volutes sonores troublées par des fourmillements si inquiétants qu’ils déclenchent automatiquement une chair de poule incontrôlable pourvu que vous ayez le niveau sonore adéquat !

Sky Atlantic a décidé de prolonger la vie à Fortitude pour une deuxième saison. Si la distribution chorale – même amoindrie – lui permet sans doute de rebondir, on surveillera attentivement la manière dont Simon Donald poursuivra son oeuvre de lente décongélation. En attendant et malgré ses défauts, la série est une vitrine resplendissante pour le network anglais.

A noter que Fortitude sera diffusée chez nous sur Canal+.

Visuels & Vidéo : Fortitude / Sky Atlantic / Pivot / Tiger Aspect

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