(Hot TV) saison 1 en 10 épisodes et saison 2 prévue –
S’immerger dans le flux débordant d’un festival comme Séries Mania, c’est quelque part renoncer à ses repères pour pleinement s’abandonner au voyage. Alors que j’évoquais la Finlande de Tellus il y a quelques jours, je vous propose aujourd’hui d’aller découvrir la ville d’Eilat situé à l’extrême sud d’Israël.
Ce grand écart se garde cependant de nous éloigner des réalités du monde contemporain. L’exercice sériel est tout à fait en mesure de constituer un miroir de la société et c’est notamment le cas pour Sirens qui rejoint l’actualité aussi récente que dramatique en matière de flux migratoires. D’ailleurs, de la Scandinavie au Proche-Orient, il n’y a qu’un pas et Sirens adapte intelligemment le polar nordique.
Shelly Reguan est une jeune femme flic chargée d’enquêtes frontalières à Eilat, à la fois ville portuaire et station balnéaire coincée entre l’Egypte et la Jordanie. Très impliquée dans son job, la vie de Shelly va pourtant basculer lorsque sa soeur jumelle est retrouvée sans vie dans une piscine désaffectée. Dix sept ans plus tôt, la disparition de Maya avait pourtant été classée comme une noyade…
En plus d’être cernée par deux pays, Eilat constitue également une transition entre le désert du Néguev – qui s’étale sur une grande majorité du sud du pays – et la mer Rouge. C’est donc un théâtre singulier pour un récit qui oscille également entre deux genres, le polar d’une part et le fantastique d’autre part, bien que ce dernier soit très subtil en ce qui concerne ces deux premiers volets.
Et c’est toute l’importance du choix de titre qui s’impose alors. En hébreu, la série se nomme Betoolot (בתולות) qui se traduit littéralement par « Vierges ». Or le titre international se trouve être Sirens et vous devinez en ayant simplement lu le pitch un peu plus haut combien ce choix devient problématique. Il atténue grandement l’effet de mystère et dévoile justement ce volet fantastique à venir.
Lors de son passage au festival, Shahar Magen (créateur de la série) ne cachait pas une certaine affection pour le compte d’Andersen (La Petite Sirène) et il cherche avec ce récit – bien plus sombre – à en détourner les codes.
Cette mise en place qui se dévoile sur une trame policière mystérieuse autour d’un personnage féminin central, évoque les productions scandinaves et si le lieu offre un cadre bien éloigné, le lien est parfaitement assumé par Magen qui ne cache pas son intérêt pour des titres comme The Killing et The Bridge.
Pour autant, Sirens se distingue par un rythme lent bien loin des montages dynamiques observés dans les séries du nord. Les plans prolongent et accroissent l’intensité des échanges entres acteurs. Le procédé n’est pas toujours une réussite mais il installe indéniablement une ambiance peu commune.
La mise en scène s’appuie quand à elle sur l’aridité des décors de la région. L’image fait alors la part belle à une palette mordorée qui contraste avec les influences nordiques. Il faut toutefois préciser que cette tonalité de couleurs reste équilibrée. Nous somme loin de l’overdose de jaune déployée dans l’australienne The Principal par exemple.
Sirens, c’est aussi un contexte géopolitique. On y découvre un immigré en situation illégale dont le rôle s’avère de prime abord très étrange. Sans révéler son parcours, il symbolise un choc des cultures très appuyé dans la série, en particulier par des pratiques chamaniques qui renforcent la coloration fantastique du récit.
D’autre part, Sirens s’établit sur une vision pessimiste quand à l’état des relation humaines au sein d’une société moderne dominée par l’individualisme. L’héroïne, Shelly, est coupée de ses proches et s’abandonne à une méfiance débridée. Le lien brisée qu’elle avait avec sa soeur jumelle l’a dépossédée de toute attache avec la pratique d’une quelconque relation affectueuse.
Et puisqu’on évoque Shelly, Magi Azarzar, l’actrice qui campe le rôle en question participe grandement à la justesse de Sirens. Mais je retiens surtout la performance d’Alon Aboutboul (Hefetz) qui délivre une séquence impressionnante lors d’un interrogatoire situé dans le deuxième volet.
Après Hatufim – dont la saison 2 est actuellement diffusée par ARTE –, voilà encore une distribution israélienne séduisante pour ce pays aux moyens télévisés modestes, il faut le rappeler !
Sirens était une belle découverte de ce cru 2015 de Séries Mania. Aux côtés de la suédoise Jordskott (j’y reviens), elle s’empare d’une dose subtile de fantastique pour sublimer le thriller policier !
A noter que dans cet entretien réalisé par la Femis durant le festival, Shahar Magen précise aussi qu’il travaille sur une saison 2 et qu’il ambitionne de poursuivre Sirens sur une troisième.
Visuels & Vidéo : Sirens / July August Prod. / Hot TV