(HBO) s02e10 “Two days of the Condor”
Saison 2 en 10 épisodes et saison 3 prévue –
Dimanche soir sur HBO, c’était une soirée fins de saisons. Il y avait, bien sûr, la clôture pour la livraison annuelle du mastodonte Game of Thrones. Mais c’était aussi l’épilogue pour deux comédies aussi rigoureuses dans leur description d’un univers professionnel qu’efficaces dans le registre du rire : Veep et Silicon Valley. Alors que la première confirmait avec à sa tête la toujours excellente Julia Louis-dreyfus, la deuxième livrait un final haletant et remarquablement inhabituel pour sa catégorie.
Après deux saisons, la photographie de la Silicon Valley signée du duo Mike Judge / Alec Berg est désopilante parce que cruellement précise. Un authentique tour de force !
Si vous ne connaissez pas Silicon Valley, je vous recommande vivement ma présentation de la série en musique complétée par un avis sur la saison 1 dans son ensemble.
Nous retrouvons donc Richard Hendricks (Thomas Middleditch), ce jeune entrepreneur totalement dépassé par les événements et dont la principale qualité – son idéalisme – est aussi son principal défaut car elle va de paire avec une naïveté abyssale. Pied Piper, son application au départ pensé pour la musique, est désormais réduite à sa substance révolutionnaire : un algorithme de compression qui fait la différence à une époque où le transfert de données est un enjeu considérable.
Dit comme cela, c’est relativement simple – pour ne pas dire simpliste – mais c’est surtout insipide et fastidieux. Pourtant, voilà bien le sujet principal d’une comédie caustique et hilarante, c’est vous dire la performance de ses auteurs.
Car Silicon Valley est d’abord un documentaire déguisé ! Elle ne cherche pas à faire rire de prime abord mais bien à restituer la réalité d’un univers d’où naîtra l’humour. Cette assertion pourrait sembler triviale concernant HBO et à une époque où le dramedy a fait ses preuves depuis des années. Pourtant, Silicon Valley affirme une forte proximité avec le genre du « mockumentary » en ce sens que son ambition principale est d’abord de reproduire avec précision un univers de travail. La satire s’exprime ensuite et ce avec tant de délicatesse qu’elle déçoit rapidement un public qui voudrait que le microcosme de Jobs, Gates & Co soit grossièrement ridiculisé.
En vérité, Mike Judge et ses scénaristes respectent profondément cet univers et leur critique subséquente n’en est que plus puissante et significative. La portée du ridicule des situations se décuple naturellement parce qu’elles sont fondées sur des références notables comme le lancement calamiteux d’Apple Maps ou l’abandon d’un téléphone truffé d’informations confidentielles dans un simple bar !
Toutefois, cette saison 2 se voit encore reprocher un oubli sensible : la minorité féminine flagrante dans ce milieu professionnel. La défense* de Mike Judge est la suivante : si Silicon Valley présentait ces firmes sous le signe de la parité et non pas avec ses 87% d’hommes comme on le constate dans la réalité, la série manquerait sa cible ; l’enjeux étant de critiquer ce milieu et non pas de l’embellir !
Dans les faits, il y a deux nouveaux personnages féminins introduits dans cette seconde saison mais, comme tous les individus de la série d’ailleurs, elles n’échappent pas à la caricature.
Je ne vous cache pas que c’est un sujet avec lequel je ne suis pas à l’aise. Je crois pouvoir affirmer que je suis sensible à la cause féministe dans l’univers sériel mais je ne refoule pas pour autant une certaine idéologie macho inhérente à ma condition de mâle binaire. J’aurais bientôt l’occasion de défendre un point de vue féminin qui m’a touché via Outlander mais je trouve que le débat, en ce qui concerne Silicon Valley, n’a pas lieu. Oui ses personnages principaux sont incapables – du moins en l’état – d’avoir un discours sur la femme qui ne soit pas ridicule mais cela correspond à une réalité qui, ne nous le cachons pas, sert parfaitement les intérêts de cette comédie.
Enfin Jusqu’où Silicon Valley peut s’aventurer ? L’algorithme de Pied Piper est une véritable avancée – qui doit sûrement faire baver les vrais responsable de Youtube par exemple – mais le chemin de croix qu’emprunte Hendricks et ses compagnons met sérieusement à mal l’image d’une Silicon Valley où la startup est reine. Comment est-il possible d’empêcher indéfiniment le développement d’une application révolutionnaire ?
Car la stratégie des auteurs est limpide, la série fonctionne d’autant mieux que ces héros sont des perdants. Hors ce statut va irrémédiablement devenir incompatible avec l’évolution d’une application primordiale.
En deux saisons et dix-huit épisodes, il y a très peu d’éléments de répétition mais, tout comme la croissance d’une startup est un paramètre important, l’évolution de la série ne sera facile à coder !
* Source : Bloomberg.
Visuels : Silicon Valley / 3 Arts Entr. / Judgemental Films Inc. / HBO