En attendant Reagan, Fargo s02e01 (récap.)

(FX) “Waiting for Dutch”, s02e01 ; une saison 2 en 10 épisodes visibles sur Netflix* –
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La saison 1 de Fargo était un bel exploit. Reconstruire – et déconstruire – un grand classique du cinéma tout en restant fidèle à l’univers particulier de ses créateurs, les frères Coen, n’était pas une mince affaire.
Cette saison 2 s’ouvre sur un plateau de cinéma fictif qui évoque justement – bien que les genres soient différents – la bande annonce du prochain film (Hail, Caesar!) de ces même frères Coen. Au delà de la coïncidence, cette introduction offre l’assurance d’une continuité.

Pour rappel, Fargo est une anthologie. Même si un lien relativement ténu existe, vous pouvez tout à fait découvrir cette saison 2 sans avoir vu la première*.
Et puis, je me dois de vous prévenir que ce qui suit est un commentaire détaillé dudit épisode. Il est préférable de l’avoir vu au préalable.

“Okay, then”
En simplifiant, on pourrait résumer l’oeuvre des Coen par un personnage pas très futé qui, la plupart du temps, s’acharne à faire les mauvais choix. C’était bien sûr le cas dans Fargo, le film comme la série (rappelez vous de Lester).
A ce titre, les Blumquist en sont de parfaits exemples. Peggy (Kirsten Dunst) est esthéticienne, Ed (Jesse Plemons) travaille à la boucherie et un simple dîner suffit à démontrer qu’ils ne veulent pas la même chose, entre ambitions personnelles et familiales. C’est d’ailleurs sûrement pour cela que Peggy a tenté de cacher à son mari qu’elle avait fauché une personne et ramener l’accidenté sur le capot de sa voiture jusque dans leur garage. C’est sûrement pour cela aussi que lorsqu’Ed achève le blessé, Peggy fait tout pour le convaincre de “nettoyer” l’esclandre !
Le duo Dunst/Plemons fait forte impression. Dunst, en particulier, excelle dans un rôle de fausse naïve qui aurait pu être un beau piège, tant il aurait été facile de surjouer la candeur. Elle déjoue l’écueil avec beaucoup de sincérité et son personnage trouve, d’emblée, une belle ambiguïté.

“You’re the comic in a piece of bubble gum!” (Dodd)
Celui qui termine cet épisode dans le congélateur des Blumquist se nomme Rye Gerhardt (Kieran Culkin). Les Gerhardt dirigent un clan mafieux basé à Fargo mais Rye est ce qu’on pourrait appeler la cinquième roue du carrosse. Derrière Otto (Michael Hogan), le chef de famille foudroyé par une attaque cardiaque, il y a sa femme Floyd (Jean Smart), une sacrée dure à cuire et ses deux frères aînés, l’ambitieux Dodd (Jeffrey Donovan) et le goinfre Bear (Angus Sampson).
Alors Rye s’acoquine avec un douteux vendeur de machine à écrire en espérant ainsi tirer son épingle du jeu en dehors du carcan familial. Son associé lui assure qu’il faut juste qu’il décourage une juge afin que leur petite entreprise décolle. Rye prend donc en filature la magistrate dans une séquence au montage à l’ancienne (enchaînement de fondus, image scindée) assez délicieuse accompagnée par la voix de Billy Thorpe :

Rye la suit jusque dans un Waffle Hut à Luverne. Là, il tente de l’impressionner mais la juge ne veux rien savoir et pulvérise de l’insecticide dans les yeux du malotru. Ce dernier perd alors les pédales et refroidit la juge, puis le cuisinier qui voulait l’assommer avec sa poêle et, enfin, la serveuse en deux temps. Tout hébété sur le parking – et sans doute aussi diminué par une blessure dans le dos – Rye aperçoit alors un engin volant lumineux qui disparaît rapidement. A peine le temps de reprendre ses esprits qu’il est violemment fauché par la voiture de Peggy Blumquist.
L’échange sanglant dans le restaurant est teinté de cette coloration grotesque si chère à Tarantino. Toute la séquence est très soignée, de la porte de la cuisine qui claque au mélange du sang avec le milkshake en passant par le six-coups qu’il faut recharger.

“Well, this is a deal” (Hank)
Lorsqu’un jeune Lou Solverson (Patrick Wilson) arrive sur place, il remarque très vite qu’il y a trois cadavres pour quatre véhicules. Hank (Ted Danson) son beau père, qui officie pour la police locale, remarque quant à lui une chaussure dans un arbre, là où les traces du tueur disparaissent.
Lou en profite pour inviter Hank à dîner le lendemain. Betsy – la femme de Lou et fille d’Hank, donc – s’est récemment convertie aux cuisines du monde et semble peu affectée par son cancer.

Tell her if John McCain could hold out against Viet Cong thumbscrews, she can make it through this cancer, » (Karl)

Avant de rentrer chez lui, Lou fait un arrêt dans le bar local en pleine soirée Bingo où il retrouve deux connaissances. Malgré la violence de l’altercation au Waffle Hut, Lou ne dramatise pas mais l’un de ses deux interlocuteurs est plus pessimiste. Le bien nommé Karl Weathers (Nick Offerman) lui annonce en effet une météo de plus en plus compliquée.

“It is a crisis of confidence”
Si l’ouverture en noir et blanc sur un tournage de Western où tout le monde attend Dutch (aka Ronald Reagan) est une belle trouvaille pour amener les événements de Sioux Falls, la séquence suivante est plutôt déconcertante. Au fond, l’épisode est encadré par deux assertions politiques qui ne collent pas avec l’univers de Fargo et, par extension, celui des Coen. Jimmy Carter explique maladroitement que la situation de l’union s’est détériorée sur fond d’images du prix de l’essence qui flambe. Et c’est à relier avec le libéralisme du syndicat du crime de Kansas City et la diatribe antisystème de Karl en fin d’épisode.
Fargo excellait l’année dernière parce qu’elle se concentrait sur les petits instincts mesquins. Je ne crois pas que le déplacement dans le passé justifie cette installation d’un décor politico-économique. Il me semble que la série de Noah Hawley (Showrunner) y perdrait, notamment ce caractère hors du temps si particulier.

Par contre, cette ouverture est formellement splendide. La photographie – signée Dana Gonzales – est saisissante et le montage des séquences s’avère complètement décomplexée. Fargo assume pleinement son statut d’oeuvre de genre, aussi rigoureuse dans ses détails que libre par son humour débridé.
Comme attendu, il faudra surtout compter avec une autre distribution exceptionnelle. J’aurais sûrement l’occasion de lui adresser de nombreux louanges lors des prochains épisodes !

Observations diverses :

  • Bienvenu dans cette série de récapitulatifs pour Fargo. Je vais tenter d’être aussi régulier que l’an passé en collant au plus près de la diffusion sur Netflix. Bonne saison à toutes et à tous.
  • Quelques références à la filmographie des frères Coen se détachent déjà. La plus évidente est l’apparition d’un OVNI qui évoque The Man Who Wasn’t There. La référence à l’histoire de Job évoque A Serious Man. Le personnage de Karl Weathers, l’énervé féru de conspirations, fait fortement penser à Walter Sobchak (John Goodman) dans The Big Lebowski. Enfin un Waffle Hut apparaissait déjà dans The Ladykillers.
  • Le livre lu par Lou à sa fille (la jeune Molly) s’intitule Five Little Peppers and How They Grew de Margaret Sidney. L’histoire d’une veuve modeste qui élève cinq enfants avec courage face à l’adversité !
  • Lorsque Lou demande à sa femme comment s’est déroulé sa séance de chimiothérapie, elle répond en faisant référence à Love Canal, lieu d’un scandale sanitaire suite à la découverte d’un enfouissement de produits toxiques à la fin des années 70 (Source : AV Club).
  • Lors de l’introduction, on aperçoit quelques images de l’affaire John Wayne Gacy. Ce dernier était un tueur en série de renom.
  • Et puis c’est l’occasion de refaire un petit point cartographique. Quatre lieux sont cités dans ce premier épisode pour quatre états distincts. Si Luverne (Minnesota) et Sioux Falls (Dakota du Sud) ne partage pas le même état, il n’y a que 30 minutes de route qui les séparent. Par contre, Fargo (Dakota du Nord) se trouve à 3h30 de SF (selon Google Maps) d’une route très rectiligne particulièrement rasoir (si l’on en croit le podcast Fargo talks Fargo). Enfin, Kansas City (Missouri) se trouve à plus de 5 heures de voiture au sud de SF.

Un peu de lecture :

  • L’apparition d’un vaisseau spatial (extra-terrestre ?) intrigue au plus haut point. Noah Hawley s’explique brièvement du côté de chez Hitfix.
  • Le Minnesota est justement familière des histoires d’OVNIs si l’on en croit ce récit publié par MPR.
  • Kirsten Dunst affirme qu’elle a mangé beaucoup de pizzas et bingé FNL pour se préparer au tournage. Jesse Plemons (Landry dans FNL) appréciera !
  • Le retour de la série n’a pas fait d’étincelles, niveau audiences. Deadline avance des chiffres en baisse.
  • Le principal lien entre les deux saisons se nomme Lou Solverson, lequel avait évoqué quelque fois les événements de Sioux Falls. Piqûre de rappel à lire sur Hidden Remote.

Visuels : Fargo / FX / MGM
Musique : Billy Thorpe “Children of the Sun” (1979 Polydor)


* : A noter que la saison 1 est, elle aussi, visible sur Netflix !

3 commentaires sur « En attendant Reagan, Fargo s02e01 (récap.) »

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